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Epidémies dans des populations à haute couverture vaccinale

publié le mardi 1er décembre 2009

En 2006, une épidémie d’oreillons s’est déclarée aux Etats-Unis, en dépit du fait que la plupart des personnes infectées avaient reçu deux doses du vaccin rougeole - rubéole - oreillons (RRO). La survenue d’une telle épidémie peut s’expliquer par une immunogénicité basse du vaccin anti-ourlien, une couverture vaccinale insuffisamment élevée ou une combinaison des deux hypothèses.

Durant la période précédant la vaccination anti-ourlienne, les oreillons étaient la cause principale de méningite virale et de surdité sensori-neuronale. Dans les pays ayant un programme de vaccination bien établi avec deux doses de RRO, des épidémies d’oreillons ne surviennent plus que rarement. Mais récemment, des épidémies d’oreillons ont à nouveau été rapportées dans plusieurs pays occidentaux, parmi des populations bénéficiant d’un taux de vaccination élevé avec deux doses de RRO.

Immunogénicité du vaccin contre les oreillons

Les études cliniques avec les vaccins anti-ourliens, basés sur les souches Jeryl Lynn ou Urabe, montraient chez les enfants séronégatifs un taux de séroconversion élevé après la première vaccination. Malgré le succès initial des programmes de vaccination à une dose, des épidémies d’oreillons réapparaissaient au début des années ’90. Diverses études montraient alors que l’immunité après 1 dose diminuait graduellement au fur et à mesure que s’accroissait l’intervalle entre la vaccination et l’exposition. En réponse à ces épidémies, une deuxième dose fut recommandée comme vaccination de rappel et, en conséquence, les oreillons disparurent à nouveau. Deux études longitudinales récentes ont cependant démontré que les taux d’anticorps après deux doses de RRO diminuent progressivement jusqu’à des valeurs indétectables.

Parallèlement à une réponse immunitaire humorale, mesurée par les anticorps, une immunité cellulaire est induite après la vaccination ; elle joue également un rôle dans la protection contre la maladie. Des études récentes montrent que des cellules T spécifiques du virus ourlien sont présentes chez 70-98% des personnes vaccinées, des années après la deuxième dose de RRO, et ceci indépendamment de la présence ou de l’absence d’anticorps. Notre étude s’est attachée à ces observations et a démontré que l’immunité cellulaire spécifique contre les oreillons peut être stimulée in vitro jusqu’à 16 ans après l’administration d’une ou de deux doses de vaccin anti-ourlien, même chez des personnes qui n’ont pas ou très peu d’anticorps contre les oreillons. Mieux encore, une prolifération de lymphocytes peut encore être déclenchée chez 61,5% des personnes qui ont reçu une dose de vaccin et pour lesquelles l’intervalle moyen entre la vaccination et le prélèvement de sang pour l’étude atteignait en moyenne 16 ans. Cette réponse était constatée chez 72,7% des personnes qui avaient reçu deux doses et pour lesquelles l’intervalle depuis la dernière vaccination atteignait 8 années.
La question est cependant de savoir si cette immunité cellulaire joue un rôle important dans la protection contre les oreillons, lorsque les anticorps ne sont plus présents. Les anticorps jouent un rôle crucial dans la protection contre la majorité des maladies infectieuses, parce qu’ils font obstacle à l’entrée des pathogènes dans les cellules et les tissus et à la mise en route de leur cycle de réplication. Lorsque les anticorps chutent, ou même disparaissent, par manque de stimulation par le virus sauvage ou un rappel de vaccination, la qualité de la protection est déterminée par la rapidité avec laquelle le système immunitaire est en état de produire à nouveau des quantités protectrices d’ anticorps et ainsi de prévenir une invasion de l’organisme par le virus. Malgré que nous et d’autres groupes d’études ayons pu montrer que l’immunité cellulaire contre les oreillons pouvait être observée chez une majorité de personnes vaccinées, indépendamment de leur taux d’anticorps, on constate des épidémies comme celle de 2006 aux Etats-Unis, probablement provoquée par un manque d’anticorps circulants chez des personnes ayant reçu deux doses de vaccination ; le rôle de l’immunité cellulaire semble par conséquent limité pour la protection contre l’infection par le virus sauvage.
Lorsque les anticorps diminuent au fur et à mesure que le temps passe et que l’immunité cellulaire ne peut donner une protection suffisante, le risque s’accroît que les individus redeviennent réceptifs à l’infection ourlienne.
Dans un deuxième volet de notre étude, à partir d’un modèle murin, nous avons cherché si des cellules mémoires B étaient encore présentes chez des personnes qui n’avaient plus d’anticorps spécifiques anti-ourliens circulants. Dans cette étude, nous avons observé une forte corrélation entre la présence et l’absence d’anticorps IgG spécifiques du virus des oreillons dans le sérum des donneurs de cellules et le pouvoir ou l’absence de pouvoir des cellules mononuclées sanguines (en l’occurrence des lymphocytes B) de produire des taux détectables d’IgG spécifiques du virus dans le sang des souris. Ces données suggèrent que, chez des personnes vaccinées qui n’ont plus d’anticorps contre les oreillons dans leur sérum, il n’y a également que peu ou pas de cellules mémoires B spécifiques du virus ourlien dans le sang veineux. Les personnes sans anticorps ni cellules mémoires B en circulation ont vraisemblablement un risque accru d’infection et de maladie lors d’une exposition au virus ourlien sauvage. La qualité et la persistance de la protection conférée par le vaccin RRO actuel semble moins solide que pensé originellement, sur base des résultats des études cliniques avec le vaccin contre les oreillons.

Couverture vaccinale

Des vaccins efficaces sont un instrument important pour le contrôle des maladies infectieuses. Pour obtenir un effet de population, des vaccins efficaces doivent être utilisés année après année et à une large échelle. C’est à ces conditions seulement que la vaccination peut conduire à une élimination d’un pathogène déterminé. Pour les oreillons, on a calculé, sur base des études précliniques au cours desquelles 95% des personnes vaccinées développaient des anticorps, que le taux de vaccination pour deux doses RRO devait atteindre au minimum 85% afin d’atteindre une élimination du virus ourlien. Le taux de protection dans une population est donc dépendant aussi bien de l’efficacité d’un vaccin que de la couverture vaccinale atteinte (tableau 1).

Tableau 1 : taux de protection au sein de la population en fonction de l’efficacité d’un vaccin et de la couverture vaccinale atteinte
Taux de vaccinationEfficacité d’un vaccin 90%Efficacité d’un vaccin 95%Efficacité d’un vaccin 98%
90% 81,0 85,5 88,2
95% 85,5 90,2 93,1
98% 88,2 93,1 96,0

Lors de la dernière épidémie d’oreillons aux Etats-Unis en 2006, la couverture vaccinale pour deux doses de RRO atteignait 86% dans tous les Etats où l’épidémie s’était développée. L’efficacité du programme de vaccination avec deux doses de RRO atteignait 76-88% pour les oreillons et diminuait au fur et à mesure que l’intervalle entre la vaccination et l’exposition s’allongeait ; la proportion de cas était comparable pour les personnes qui avaient reçu dans le passé aussi bien 1 que 2 doses de RRO. Si l’efficacité d’un vaccin diminue avec les années, le taux de vaccination parmi la population doit, lui, s’accroître afin de pouvoir préserver le même taux de protection. Lorsque les valeurs de ces deux paramètres sont insuffisantes existe le risque que la protection de la population totale diminue, avec en conséquence un risque accru d’épidémie.

Que pouvons-nous faire pour prévenir de futures épidémies ?

La première action à entreprendre, qui est en outre la plus efficace, est d’accroître la couverture vaccinale. En 2008, la couverture vaccinale chez les nourrissons atteignait 96,6% en Flandre, alors qu’elle n’était que de 83,5% chez les adolescents pour 2 doses de RRO.
Si de nouvelles épidémies surviennent parmi des groupes de personnes plus âgées, il sera peut-être nécessaire à l’avenir d’ajouter au programme de vaccination une 3ème dose de vaccin contre les oreillons.
Une deuxième option consiste à améliorer l’efficacité du vaccin contre les oreillons. Ceci peut être obtenu en utilisant une souche ourlienne moins atténuée ou en ajoutant un adjuvant ou une combinaison d’adjuvants à l’antigène. Ces interventions peuvent améliorer la réponse immunitaire. Ceci ne peut certainement pas aller à l’encontre de la sécurité du vaccin : il faut tenir compte des complications possibles.
Entre-temps, il reste important, pour tous les nouveaux cas de parotidite qui ne surviennent pas dans un contexte épidémique, de réaliser des tests de laboratoire pour vérifier s’il s’agit d’un cas d’oreillons.

Corinne Vandermeulen (Dienst Jeugdgezondheidszorg, K.U.Leuven)
Pierre Van Damme (VaxInfectio, Universiteit Antwerpen)
Karel Hoppenbrouwers (Dienst Jeugdgezondheidszorg, K.U.Leuven)
Geert Leroux-Roels (Centrum voor Vaccinologie, Universiteit Gent)

Bibliographie
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