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Rougeoleprint

Peut-on atteindre l’élimination en Europe ?

publié le lundi 10 décembre 2012

La rougeole a été éliminée des Amériques en 2002 grâce à la vaccination généralisée et à une surveillance active des cas. Pourquoi ne pourrions-nous pas obtenir ce même résultat en Europe ?

L’Organisation Mondiale de la Santé a repoussé l’objectif d’élimination de rougeole, pour la Région européenne, à 2015. Les échéances précédentes n’ont pu être atteintes et des épidémies de rougeole surviennent toujours sur le continent.

Pour la période allant de juillet 2011 à juin 2012, l’ECDC a dénombré 10.427 cas déclarés dans les pays de l’Espace Economique Européen (probable sous-estimation par carence de déclaration des cas !). La Belgique se situe au 7ème rang avec un taux de notification de 0,98 par 100.000 habitants, précédée par la Roumanie (17,89/100.000), l’Irlande (6,76), l’Espagne (3,01), la France (2,41), l’Italie (2,25) et le Royaume Uni (2,03). On remarque qu’à l’exception de la Roumanie, ce sont les pays situés à l’ouest de l’Europe qui détiennent les chiffres les plus élevés.

Conviction et connaissance déficitaires

Des chercheurs se sont intéressés à l’impact de certaines attitudes et pratiques des professionnels de la santé sur l’obtention d’une couverture vaccinale élevée contre la rougeole. Une étude publiée dans Eurosurveillance s’appuie sur une sélection d’articles en lien avec les connaissances, attitudes et pratiques des professionnels de santé en Europe, vis-à-vis de la rougeole et de la vaccination. Parmi les enseignements de ces études (28 retenues in fine), relevons quelques éléments :

  • l’ambivalence du professionnel quant à la vaccination, ses réticences, son incapacité à répondre aux questions des parents ou son manque d’empathie vis-à-vis des parents qui évoquent leurs craintes d’effets indésirables, ont un impact négatif sur la pratique vaccinale (Irlande)
  • les médecins convaincus par la pertinence de la vaccination contre la rougeole administrent plus souvent les vaccinations recommandées (Italie, Danemark) ; un déficit de connaissance du calendrier vaccinal et une conviction tiède sont associés au contraire à une moindre vaccination
  • une étude montre qu’une attitude négative vis-à-vis de la vaccination est plus souvent rencontrée parmi les professionnels de la santé et les parents de niveau d’études supérieurs que parmi les autres parents (Pays-Bas)
  • les pédiatres sont de manière générale plus souvent convaincus et vaccinent plus que les médecins généralistes – y compris, selon une étude, leurs propres enfants - (France, Belgique, Suisse)
  • certains parents refusent la vaccination de leurs enfants en crèche en raison d’avis défavorables reçus de professionnels de la santé (Italie)
  • parmi les médecins pratiquant l’homéopathie, certains refusent toute vaccination tandis que d’autres restent plutôt favorables aux vaccinations « classiques » (tétanos, diphtérie et poliomyélite) mais plutôt opposés aux vaccins visant des maladies « infantiles » (comme la rougeole) (Allemagne) ; les taux de couverture vaccinale sont plus bas chez les enfants dont les parents recherchent l’avis d’un homéopathe (France).

De manière générale, les auteurs de cette revue de littérature relèvent un problème de déficit de connaissances parmi les professionnels de la santé, aussi bien des complications potentielles de la maladie, du calendrier vaccinal recommandé que des bénéfices et effets indésirables de la vaccination. Des messages flous ou faux sont donnés aux parents, avec pour conséquence une baisse des couvertures vaccinales.
Selon ces auteurs, un corps médical mieux informé et entraîné au dialogue avec les parents pourrait avoir un impact plus substantiel sur les choix des parents

Raviver les souvenirs...

La rougeole est devenue, au fil des années de vaccination, une maladie que les médecins ne rencontrent plus que rarement. Ainsi, les 160 cas recensés par l’ISP en Belgique entre juillet 2011 et juin 2012 ont sans doute été vus par quelques dizaines de médecins généralistes ou pédiatres. Durant la même période, l’ECDC a enregistré 106 cas.

Il n’est donc pas inutile de « présenter » cette maladie devenue une rareté.

La rougeole est une maladie très contagieuse. Avant l’introduction de la vaccination, la population était contaminée en âge scolaire à près de 100%. Avec l’instauration de la vaccination, le moment de l’infection a reculé et celle-ci touche des adolescents et des adultes jeunes, le plus souvent incomplètement ou non vaccinés et qui n’ont pas fait la maladie durant leur scolarité.

La rougeole est liée à un Paramyxovirus dont le réservoir unique est l’homme, ce qui la rend potentiellement éradicable. Le génome du virus est bien connu et les souches sont génotypables, ce qui permet de contribuer à identifier la source des épidémies. Le génotype D7 est le plus répandu en Belgique et dans les pays voisins.

Le virus est transmis par voie respiratoire ou par contact direct avec des sécrétions nasales ou pharyngées de personnes infectées. La période de contagion débute 5 jours avant l’apparition de l’éruption et se poursuit jusqu’à 4 jours après.

Presque tous les individus (90%) susceptibles (non immunisés) contractent la maladie. On estime que le nombre moyen d’infections secondaires à une introduction unique dans une population sensible est de 12-18 ; ce nombre est réduit si la population est partiellement immunisée (naturellement ou par vaccination).

L’incubation de la maladie est de 10-12 jours. Au cours de celle-ci, une première virémie au départ de l’épithélium respiratoire a lieu 2-3 jours après la contamination, suivie d’une seconde, plus intense, après 5-7 jours, avec réplication virale au niveau de la peau, des conjonctives, des voies respiratoires et de divers organes.

Une phase de congestion des muqueuses nasales et conjonctivales est présente au début de l’infection ; les symptômes principaux sont la fièvre (élevée, jusqu’à 40°C), suivie après 2 à 4 jours d’un rash (érythème maculopapulaire) débutant sur la tête et s’étendant en 2-3 jours au corps. Une toux est souvent présente. L’apparition de taches de Koplick (blanches, de la taille d’une tête d’épingle) dans la bouche, généralement 1 à 2 jours avant le rash, est caractéristique.
La symptomatologie est généralement plus prononcée chez les adolescents et les adultes que pendant l’enfance.

Il n’y a pas de traitement antiviral spécifique de la maladie ; le traitement repose sur l’administration d’antipyrétiques (paracétamol) et une bonne hydratation. Bien que les symptômes soient généralement particulièrement prononcés, la maladie peut être difficile à distinguer d’autres affections fébriles occasionnant une éruption. La maladie peut être confirmée par diagnostic sérologique sur prélèvement de sang périphérique par le laboratoire habituel du médecin (détermination des IgM et des IgG). Le diagnostic par PCR, avec génotypage, réalisable avec un prélèvement de salive ou nasopharyngé, est indiqué en présence d’un cas isolé.

Complications

Une complication doit être suspectée si, 2 à 3 jours après le début de l’éruption, la fièvre se maintient, ou en présence de nouveaux symptômes.

Les complications potentielles sont, par ordre de fréquence : l’otite moyenne (7 à 9%), la diarrhée (8%), la pneumonie (1 à 6%), l’encéphalite (1 pour 1000 à 2000 cas) et la panencéphalite sclérosante subaiguë (SSPE - 1 pour 100.000 cas). Cette dernière affection, très rare et mortelle, est une maladie dégénérative du système nerveux central causée par une infection persistante ; elle se manifeste quelques années après la phase aiguë et plus souvent chez des enfants qui ont été contaminés avant l’âge de 2 ans. La rougeole contractée pendant la grossesse est une cause possible d’accouchement prématuré et de fausse couche.
La mortalité atteint 1 à 3 cas pour 1000 et est la plus élevée chez les enfants âgés de moins de 5 ans et les individus immunodéprimés. Elle est surtout liée aux complications bactériennes, et dans environ 60% des cas à une pneumonie.
Tenant compte du nombre annuel de naissances en Belgique (± 128.000 en 2010), en l’absence de toute vaccination contre la rougeole, le virus rougeoleux pourrait donc être potentiellement responsable, chez des enfants, de 8.400 à 10.800 otites, 1.200 à 7.200 pneumonies, 60 à 120 encéphalites et 120 à 360 décès. Ces extrapolations situent mieux l’impact de la maladie en l’absence de politique de prévention.

La convalescence s’étend sur une dizaine de jours, l’enfant restant fatigué.

La rougeole est une maladie à déclaration obligatoire. La déclaration doit être effectuée dans les 48 heures

  • pour la Wallonie auprès de l’Inspecteur d’hygiène de la Communauté française (déclaration en ligne sur www.sante.cfwb.be ou fax (02/413.26.13) ou courriel surveillance.sante cfwb.be)
  • pour Bruxelles auprès de l’Inspecteur d’hygiène de la COCOM (02/502.60.01 GSM 0478/77.77.08).

Les proches d’un malade ont un risque important d’être contaminés. Lorsqu’ils sont non ou incomplètement vaccinés, ou en l’absence de données vaccinales, une vaccination RRO leur sera administrée aussi rapidement que possible. En effet, le vaccin RRO peut prévenir la maladie s’il est donné dans les 72 heures suivant le contact.

Protection

La maladie entraîne une protection à vie.
Les bébés sont protégés à la naissance par les anticorps maternels (du moins si la mère est immunisée - naturellement ou par vaccination -). Cette protection diminue progressivement au fil des mois. Les bébés protégés passivement par la persistance d’anticorps maternels peuvent faire des formes atténuées de la maladie.
La présence d’anticorps maternels réduit la réponse immunitaire au vaccin : c’est la raison pour laquelle la vaccination, en Belgique, est donnée après l’âge de 12 mois.

La vaccination produit une immunité contre tous les génotypes du virus rougeoleux, similaire à celle conférée par la maladie. Cette immunité peut être stimulée (boosting) par vaccination ou par la rencontre avec le virus sauvage.

Le vaccin a une efficacité de 95% au moins ; les échecs de la primovaccination à 12 mois atteignent 5% (en lien probable avec une persistance d’anticorps maternels), mais 95% des enfants n’ayant pas répondu à une première dose développent une immunité lors de l’administration d’une deuxième dose. On estime qu’après 2 doses de vaccin, la protection atteint 98%.

L’administration de deux doses de vaccination RRO est recommandée pour interrompre la transmission autochtone du virus et bénéficier d’une immunité de groupe (herd immunity) au sein de la population.
L’administration du vaccin RRO (rougeole, rubéole, oreillons) à une personne immunisée par une infection due à l’un des trois virus ou par une vaccination antérieure n’accroît pas le risque d’effets indésirables.

Effets indésirables

Selon la notice, le vaccin Priorix™ est destiné à l’injection par voie sous-cutanée, mais peut aussi être donné en intramusculaire ; le M-R-RVAXPro™ peut aussi être injecté selon les deux voies (l’intramusculaire étant possiblement moins douloureuse). Le mode d’injection (sous-cutané ou intramusculaire) ne modifie ni l’efficacité, ni le profil d’effets indésirables.
Le vaccin RRO peut entraîner des réactions locales immédiatement après la vaccination : sensation de brûlure de courte durée au point d’injection.
Après 7 à 12 jours, on peut observer occasionnellement (5 à 15% des vaccinés) de la fièvre (> 39°C), une éruption et/ou des arthralgies ; ces symptômes persistent 2 à 3 jours et correspondent à une forme atténuée de l’infection rubéoleuse ou rougeoleuse. Rarement, un gonflement parotidien transitoire peut être observé. Les personnes présentant ces signes ne sont pas contagieuses.
Un purpura thrombocytopénique idiopathique (forme généralement modérée) est observé rarement (1 cas pour 25.000 vaccinés) dans les 6 semaines suivant une vaccination.
Des convulsions thermiques peuvent survenir suite à une vaccination, mais moins fréquemment que suite à la maladie.
Une encéphalite a été observée après vaccination dans 0,4 à 1 cas sur un million de vaccinés (taux inférieur à celui des encéphalites d’origine indéterminée chez les enfants non vaccinés dans la population générale). Le vaccin semble avoir un effet protecteur contre la panencéphalite sclérosante subaiguë (SSPE).

L’allergie aux œufs et la dermatite de contact à la néomycine ne sont pas des contre-indications à l’usage du vaccin RRO, sauf pour les personnes ayant présenté dans leurs antécédents des réactions anaphylactiques aux œufs ou à des composants du vaccin (néomycine, sorbitol). Le taux d’anaphylaxie liée au vaccin contre la rougeole est estimé entre 1 à 3,5 par million de doses administrées. Le vaccin RRO ne peut pas être administré à des personnes immunodéficientes.

Pour prendre connaissance des notices (taper Priorix ou M-M-R VAXPro dans recherche). http://bijsluiters.fagg-afmps.be/?

Vaccination

  • En Belgique, le vaccin combiné contre la rougeole, la rubéole et les oreillons est mis gratuitement à disposition pour une première dose à tous les enfants à l’âge de 12 mois et pour une deuxième dose à l’âge de 10 à 13 ans.
    Lorsqu’un enfant de plus de 13 ans n’a reçu qu’une dose, il est possible qu’il soit incomplètement protégé et il doit recevoir de préférence encore une dose avant l’âge de 18 ans.
  • Une dose de vaccin supplémentaire est conseillée, en avance sur le calendrier vaccinal recommandé, aux enfants à partir de 6 mois qui partent dans un pays en voie de développement ou dans un pays européen où sévit une épidémie ; l’enfant doit ensuite recevoir le schéma complet de 2 doses recommandées (une à 12 mois - à 4 semaines d’intervalle au minimum de la dose supplémentaire - et une à 10-13 ans).
  • La vaccination est également conseillée aux adultes nés après 1970, qui n’ont pas été (complètement) vaccinés antérieurement et qui n’ont pas eu la maladie (ou en cas de doute quant à ces données), en présence d’un risque accru de contamination par le virus de la rougeole : les voyageurs vers des pays où la rougeole survient encore fréquemment ; les médecins et le personnel hospitalier.
  • La vaccination complète comporte deux doses de vaccin RRO. Lorsque l’adulte a reçu déjà une dose, l’administration d’une seconde dose est suffisante. S’il n’a jamais été vacciné ou en cas d’absence de données vaccinales, deux doses sont administrées à 4 semaines d’intervalle. L’administration éventuelle de plus de 2 doses du vaccin RRO n’entraîne pas d’effets indésirables particuliers.
  • Les femmes enceintes ne peuvent être vaccinées contre la rougeole. Chez la femme, une grossesse doit être évitée durant le mois qui suit la vaccination (contraception).

Références :
 Measles. ECDC.
 Measles. Surveillance data. ECDC
 Données du Service épidémiologie. Institut Scientifique de Santé Publique.
 Simone B, Carrillo-Santisteve P, Lopalco PL. Healthcare workers’ role in keeping MMR vaccination uptake high in Europe : a review of evidence. Euro Surveill. 2012 ;17(26):pii=20206.
 Plotkin S, Orenstein WA. Measles. Vaccines. 5th ed. WB Saunders Company ; 2008.
 Guide de vaccination. Conseil supérieur de la santé.


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