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Epidémiologieprint

Pedisurv : Surveillance des maladies infectieuses chez les enfants

publié le mercredi 1er septembre 2010

Dans le cadre de l’éradication de la poliomyélite dans la région européenne de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), en juin 2002, et de l’élimination de la rougeole pour l’année 2010, l’Institut Scientifique de Santé Publique a mis en place, en collaboration avec les pédiatres en Belgique et les médecins de famille de la région de Bruxelles Capitale, un système de surveillance de quelques affections rares, chez les enfants (Pedisurv).

Le région européenne de l’OMS a été déclarée exempte de poliomyélite en juin 2002. Aussi longtemps que la poliomyélite n’est pas éradiquée de la planète, le virus peut être à nouveau importé en Belgique et un suivi permanent reste de mise.
De même, la surveillance des cas de rougeole (et de leurs caractéristiques épidémiologiques) dans notre pays est nécessaire dans le cadre de l’objectif d’élimination de la rougeole et de la rubéole.
Le but de la surveillance dans ces programmes est multiple : rassembler des données épidémiologiques, rassembler des données sur la source d’infection lors d’un nouveau cas et suivre le processus de l’élimination ou de l’éradication. La surveillance est également utile pour évaluer l’impact de mesures de contrôle comme la vaccination.

Quelles maladies enregistrer ?

Pedisurv rassemble les données mensuelles sur le nombre de paralysies flasques parmi les enfants âgés de moins de 15 ans (AFP-surveillance). Parallèlement sont aussi enregistrés les cas de rougeole et d’oreillons, et depuis octobre 2005, les cas d’infections invasives à pneumocoques (IPD) pour le suivi de l’impact de la vaccination avec le vaccin antipneumococcique à 7 valences (Prévenar®).
La surveillance des IPD se fait en étroite collaboration avec le laboratoire de référence pour les pneumocoques de la KULeuven et les associations de pédiatres (le Vlaamse Vereniging voor Kindergeneeskunde, le Belgische Vereniging voor Kindergeneeskunde et le Groupement Belge des Pédiatres de Langue Française).

Sont aussi repris dans la liste des affections à enregistrer, depuis janvier 2007 le syndrome de rubéole congénitale (CRS), et depuis mars 2009 le syndrome urémique hémolytique.

La participation à la surveillance est volontaire. Les médecins intervenants sont invités à participer chaque mois, même s’ils n’ont pas de cas à communiquer, de telle manière que l’on soit certain que ces médecins n’aient pas oublié de déclarer un cas. Les déclarations des cas de rougeole aux services d’Hygiène des Communautés sont également incorporées dans la banque de données de l’ISP. De même, les cas de rougeole confirmés par le réseau vigie des laboratoires (ISP) et le laboratoire national pour la rougeole et la rubéole (ISP) sont enregistrés.

Poliomyélite

Aussi longtemps que le virus sauvage circule dans certains pays du monde, chaque pays exempt de polio, comme la Belgique, doit maintenir un système de surveillance capable d’identifier rapidement un cas éventuel de poliomyélite importé. Le golden standard selon l’OMS est la paralysie flasque (AFP) chez les enfants de moins de 15 ans, avec exclusion -via une analyse de selles- d’une infection par un virus polio chez ces cas.
La paralysie flasque peut être causée par diverses affections. Le plus souvent, il s’agit de cas de Guillain Barré. Dans les pays où la poliomyélite est non endémique, le taux d’AFP attendu est de minimum 1 pour 100.000 enfants de moins de 15 ans, ce qui équivaut pour la Belgique à environ 18 cas par an. Lorsque le système de surveillance en Belgique détecte au moins 18 cas d’AFP (non causés par la poliomyélite), cela signifie qu’un cas éventuellement importé de polio serait également détecté.

En 2009, 6 cas de paralysie flasque ont été déclarés. Pour 4 de ces cas, un syndrome de Guillain Barré a été confirmé. Ont aussi été déclarés un cas d’encéphalite aiguë disséminée et un syndrome de Miller-Fisher. Pour un cas, un échantillon de selles a été prélevé pour culture virale. Aucun cas de poliomyélite n’a été suspecté.
Le taux de paralysies flasques non liées à la polio était en 2009 de 0,35, ce qui veut dire que 35% des cas attendus d’AFP étaient communiqués.

La qualité de la surveillance reste donc insuffisante pour détecter une paralysie flasque qui serait liée à l’importation d’un virus polio. Cette situation est rencontrée dans la plupart des pays européens.
La surveillance des paralysies flasques en Belgique est actuellement complétée par la surveillance de la circulation des entérovirus par les laboratoires. Dans l’attente de l’élargissement de cette surveillance, l’enregistrement des cas par Pedisurv est maintenue.
Les pédiatres participants sont encouragés à prélever, dans chaque cas de paralysies flasques chez un enfant de moins de 15 ans, deux échantillons de selles pour exclure une infection à entérovirus. Une communication aussi rapide que possible de ces cas à l’ISP est également indispensable.

Rougeole

Le bureau régional européen de l’OMS veut éliminer la rougeole de la région pour 2010. L’élimination consiste à ce qu’il n’y ait plus de transmission du virus et à ce qu’un cas (éventuellement importé) ne donne plus lieu à une dissémination de l’infection. Pour cela, une vaccination de 95% au moins de la population avec deux doses de vaccins est indispensable. La Belgique fait partie des 8 pays européens qui ont mis en place un plan d’actions pour l’élimination de la rougeole et de la rubéole.

Pour suivre le processus d’élimination de la rougeole en Belgique, il est nécessaire de rassembler des données sur le nombre de cas, les caractéristiques épidémiologiques de ces cas (âge, vaccination, groupe à risque, etc) et la source des nouvelles infections.
La rougeole est actuellement une maladie à déclaration obligatoire dans les deux communautés.
Nonobstant le fait que la surveillance de la rougeole et des oreillons n’est jusqu’à présent pas exhaustive, le système suffit pour atteindre les objectifs spécifiques de surveillance comme la détection des épidémies, le recueil de l’information sur les groupes d’âge et le statut vaccinal des cas, et pour suivre des tendances.
En 2008, via les différentes sources d’information, 98 cas de rougeole ont été déclarés, et en 2009, 33 cas (voir graphique 1).
En 2008, les médecins de Pedisurv ont communiqué 18 cas, les centres de médecine scolaire 18 également ; 38 cas ont été détectés via la recherche des contacts et 26 via les laboratoires. En comparaison avec les années précédentes, le nombre de cas a augmenté, ce qui est attribuable à l’épidémie anversoise (voir Vax Info n°51).

Sur base du nombre de cas rapportés en 2008, l’incidence par région peut être estimée pour la Wallonie à 9 par million d’habitants (7 par million en 2007). Si l’on ne tient pas compte de l’épidémie anversoise, l’incidence en Flandre diminue de 5 par million d’habitants en 2007 à 2 par million en 2008. Mais l’incidence est nettement plus élevée du fait de l’épidémie, atteignant 83 par million. Dans la Région de Bruxelles Capitale, l’incidence est estimée à 40 par million d’habitants, ce qui constitue un accroissement en comparaison avec 2007 (16 par million). L’incidence reste donc toujours supérieure à l’incidence exigée pour l’élimination, soit moins de 1 par million d’habitants. _ Les cas relatifs à l’épidémie concernaient principalement des enfants de moins de 10 ans (76%) tandis que près de 10% des autres cas touchaient des personnes de plus de 20 ans. L’état vaccinal était connu pour 80 cas (82%). Parmi eux, selon les parents ou le médecin, 19 cas (23,8%) avaient reçu une dose de vaccin RRO. La date de vaccination était documentée pour 13 cas (16%). Pour les enfants en Flandre, l’état vaccinal était aussi contrôlé via Vaccinnet. Selon ces données, nombre des enfants vaccinés avaient reçu le schéma de base pour la poliomyélite, le tétanos et la diphtérie, mais une date de vaccination avec le RRO était absente. Une complication est survenue dans 16 cas (16% des cas pour lesquels l’information était disponible). Il s’agissait 3 fois d’une otite moyenne et 6 fois d’une pneumonie. L’âge des enfants présentant une complication variait de moins d’un an à 12 ans. Au total, 11 patients (13% des cas pour lesquels l’information était disponible) ont été hospitalisés.
En 2009, plusieurs cas ont été déclarés, suite à l’importation du virus à partir de la France (génotype 5).

Le diagnostic de rougeole doit être envisagé pour tous les cas d’éruption généralisée avec fièvre, et plus particulièrement chez les voyageurs en provenance de pays où la rougeole est endémique.

Face à un cas cliniquement suspect de rougeole, un test salivaire doit être demandé pour établir le diagnostic.
Le matériel peut être commandé auprès de Veronik Hutse, Laboratoire national pour la rougeole, 02/642.56.90, veronik.hutse wiv-isp.be. Le prélèvement est indolore et peut être pratiqué par le médecin ou le patient lui-même, dans les 4 semaines suivant l’apparition de l’éruption.

Rubéole

Dans le cadre de l’objectif d’élimination de la rubéole et de la prévention de la rubéole congénitale, l’enregistrement du syndrome de rubéole congénitale (CRS) a été ajouté en 2007 au système de surveillance Pedisurv.
En 2008, aucun cas de CRS n’a été enregistré. Le nombre de cas attendu de CRS en Belgique est de 0 à 1 annuellement. Comme la surveillance via Pedisurv n’est pas exhaustive, les résultats sont complétés par les données provenant d’autres réseaux, comme Kind & Gezin en Flandre et Eurocat (European Surveillance of Congenital Anomalies) à Anvers et Henegouwen, qui enregistrent les affections congénitales chez les enfants jusqu’à l’âge de 1 an. En Flandre en 2008, aucun cas de CRS n’a été suspecté chez un enfant suite aux tests auditifs (dépistage de la surdité) réalisés par Kind & Gezin. En 2007, aucun cas n’a été communiqué via Eurocat Anvers (les données de 2008 seront disponibles en 2010).

Oreillons

L’efficacité protectrice du vaccin RRO est plus faible pour la composante ourlienne. En comparaison avec l’année précédente, le nombre de cas d’oreillons déclarés est clairement en baisse (50 en 2008 versus 71 en 2007). Bruxelles compte toujours le plus grand nombre de cas (50% du total), ce qui est explicable puisque c’est la seule région où les médecins généralistes communiquent leurs cas.

L’âge des cas variait entre 6 mois et 51 ans, avec une moyenne de 9 ans. La plupart des cas concernaient les groupes d’âges de 1 à 4 ans et de 5 à 9 ans. Un tiers des cas survenait chez des personnes âgées de 10 ans ou plus. Parmi les 40 cas (80%) pour lesquels le sexe était connu, 75% étaient masculins.

L’état vaccinal était connu pour 29 cas (58%). Parmi eux, 21 avaient reçu au moins une dose de RRO et 1 deux doses. Les 7 cas restant n’avaient reçu aucune vaccination. Les cas d’oreillons chez des personnes vaccinées peuvent être liés à un échec primaire de la vaccination (pas de réponse immunitaire après administration du vaccin). Ceci se produit dans environ 5% des cas. Une deuxième raison est l’échec secondaire par disparition des anticorps. L’efficacité clinique du vaccin contre les oreillons est de 95%. Elle diminue avec le temps (± 75% après 10 ans).
Le fait que parmi les cas étudiés, seule une personne avait reçu 2 doses souligne l’importance de cette deuxième dose.
La surveillance des génotypes circulants peut aider à évaluer l’efficacité du vaccin actuel (dérivé du génotype A) et la protection croisée. Le génotypage des oreillons n’est cependant pas réalisé en Belgique.

Infections invasives à pneumocoques (IPD)

Le vaccin antipneumococcique heptavalent Prévenar® (PCV7 Pfizer) a été mis sur le marché en Belgique en octobre 2004. Il a été recommandé par le Conseil Supérieur de la Santé pour tous les enfants de moins de 2 ans et les enfants de 2 à 4 ans avec un risque accru d’infections invasives à pneumocoque (schéma 3 doses et 1 rappel). Depuis janvier 2007, le vaccin est gratuit pour tous les enfants sous l’âge de 2 ans, selon un schéma de 2 doses (aux âges de 2 et 4 mois) suivies d’un rappel à l’âge de 1 an.

L’objectif général de la surveillance des IPD est de suivre l’impact de la vaccination avec le vaccin heptavalent, en y incluant le risque de glissement de sérotypes présents dans le vaccin vers des sérotypes vis à-vis desquels le vaccin ne protège pas. En outre, l’objectif est de détecter de possibles cas d’échecs de la vaccination et de disposer de meilleures données nationales sur les IPD chez les enfants.

En 2008, 403 cas d’IPD ont été déclarés, soit 35 cas de plus qu’en 2007.
Dans le groupe d’âge des moins de 2 ans, il y avait une baisse significative de 32%. En revanche, on constate une augmentation non significative dans le groupe d’âge de 2 à 4 ans, ce qui signifie que dans le groupe d’âge en dessous de 5 ans, aucun impact significatif du vaccin n’a pu être observé.
Parmi le groupe âgé de 5 à 15 ans, l’incidence restait stable avec 6,1/100.000 cas en 2008 (voir graphique 2).
Chez les enfants âgés de moins de 2 ans, on constatait principalement des bactériémies. Trois enfants sont décédés des suites d’une méningite, âgés respectivement de 3 semaines, 6 mois et 18 mois. En cause respectivement les sérotypes 5, 19A et 7F.
Trois-quarts des enfants plus âgés avaient une pneumonie, accompagnée ou non de complications ; 75% de celles-ci étaient un épanchement pleural et 25% un emphysème. C’est principalement le groupe 1 qui est responsable des pneumonies chez ces enfants.

Il y a un impact évident de la vaccination sur l’incidence totale des IPD chez les enfants de moins de 2 ans (tableau 1). En outre, pour tous les groupes d’âge, on voit une diminution significative de l’incidence des IPD liés aux sérotypes vaccinaux.
Les sérotypes rencontrés le plus souvent en 2008 étaient le 1 (27%), le 7F (12%), le 19A (18%) et le 5 (7%). Réunis, ces sérotypes représentent 64% des souches typées. Chez les enfants les plus jeunes (< 2 ans), les sérotypes 19A et 7F sont les plus fréquents. Le sérotype 1 reste le plus fréquent chez les enfants plus âgés et figure en 3e place chez les enfants de moins de 2 ans. Dans le groupe ciblé par la vaccination (< 2 ans), la proportion de sérotypes vaccinaux est tombée de 72% en 2002-2003 à 5% en 2008 (p<0,001), ce qui démontre un impact significatif de la vaccination (voir tableau 1). Chez les enfants âgés de 2 à 4 ans, la proportion des sérotypes vaccinaux chute également significativement à 10% en 2008.

Tableau 1 : Infections invasives à pneumocoques (IPD) chez les enfants < 2 ans avant (2002-2003) et après (2008) l’introduction du vaccin conjugué antipneumococcique à 7 valences.
Nombre de cas 2002-2003Nombre de cas 2008Incidence / 100.000 2002-2003Incidence / 100.000 2008
Cas D’IPD 249 185 128,6 87,5
Cas d’IPD liés aux types contenus dans le vaccin 141 8 92,0 4,2
Cas d’IPD liés aux types non contenus dans le vaccin 56 158 36,5 83,2

L’impact de la vaccination n’est cependant pas aussi grand qu’attendu ou qu’observé, entre autres aux Etats-Unis, en raison de l’accroissement des IPD par les sérotypes non vaccinaux (voir tableau 1). Chez les jeunes enfants, on observe une augmentation principalement des types 7F et 19A, et chez les plus âgés une augmentation du sérotype 1.
Cette augmentation des sérotypes non vaccinaux (principalement 1, 7F, 19A et 5) a déjà été décrite dans d’autres pays, comme les Etats-Unis et l’Espagne.
Des facteurs complémentaires, comme la variation naturelle au cours du temps, l’apparition de variants plus virulents ou la pression des antibiothérapies peuvent aussi jouer un rôle dans l’émergence de ces sérotypes.

Malgré l’absence de données vaccinales pour 43% des cas, on peut supposer une très bonne efficacité du vaccin puisque seuls deux cas d’échecs vaccinaux ont été rapportés. L’efficacité du vaccin antipneumococcique heptavalent dans le groupe d’âge < 2 ans peut être estimé à 95%. L’impact positif de la vaccination sur l’incidence des IPD chez les enfants de moins de 5 ans peut augmenter au cours des prochaines années, si la couverture vaccinale reste suffisamment élevée et si d’autres vaccins comportant plus de sérotypes sont utilisés.

Il est déjà évident que la vaccination contre les infections à pneumocoques doit être poursuivie, ainsi qu’une surveillance des sérotypes en cause pour tous les cas d’infection et qu’un enregistrement correct des données vaccinales.

Entre-temps, deux autres vaccins ont été développés, un vaccin à 10 valences (Synflorix® - GSK) et un vaccin à 13 valences (Prevenar 13® Pfizer).

Dr Martine Sabbe

Remerciement à tous les pédiatres et médecins généralistes qui prennent part à cette surveillance. L’étude complète peut être téléchargée sur www.wiv-isp.be/pedisurv


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