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Vaccine hesitancy : des réponses adaptées

publié le mercredi 17 mars 2021

L’hésitation à l’égard des vaccins est un phénomène complexe et multiforme. Son approche doit aussi tenir compte de la diversité des publics concernés.

Des réactions et attitudes critiques ont été constatées dès l’apparition de la vaccination. Ainsi, en 1850 déjà, une Ligue opposée à la vaccination contre la variole a été créée au Royaume-Uni. L’argumentaire des opposants à la vaccination est bien connu et repose principalement sur 3 affirmations (et leurs déclinaisons particulières) : la vaccination cause plus de dommages que la maladie ; le vaccin contient des constituants toxiques ; la vaccination ne donne pas une immunité durable. Vax Info a déjà abordé ce sujet, notamment dans l’article « Vacciner ? Ou ne pas vacciner ? »

Vaccine hesitancy

Mais le phénomène dénommé dans la littérature anglo-saxonne « vaccine hesitancy  » est loin de se limiter à la seule opposition à la vaccination.
Le Groupe stratégique consultatif d’experts (SAGE) réuni par l’OMS le définit de la manière suivante : « Par hésitation à l’égard des vaccins, on entend le retard dans l’acceptation ou le refus des vaccins malgré la disponibilité de services de vaccination. C’est un phénomène complexe, spécifique au contexte et variant selon le moment, le lieu et les vaccins. Il inclut certains facteurs comme la sous-estimation du danger, la commodité et la confiance ». On peut relever que ce phénomène peut concerner aussi des professionnels de la santé.

L’acceptation de la vaccination est globalement la norme dans la population belge et européenne. Néanmoins, une proportion limitée de personnes acceptent certains vaccins tout en hésitant sur le bien-fondé de leur décision et/ou retardent le moment de la vaccination par rapport aux schémas recommandés et/ou refusent certains vaccins ou la vaccination dans son ensemble.
En réalité, on constate un gradient d’attitudes d’hésitations entre les deux extrêmes constitués d’une part par les personnes adhérant totalement aux programmes de vaccination proposés par les autorités de santé et d’autre part par les opposants à toute vaccination.
Les experts considèrent dès lors que les taux de couverture vaccinale ne sont pas un reflet fiable du phénomène d’hésitation à l’égard des vaccins.

Déterminants de l’hésitation à l’égard des vaccins

L’acceptation de la vaccination est considérée comme un phénomène comportemental complexe qui résulte d’un processus de prise de décision influencé par de multiples facteurs.
Un groupe de travail constitué par l’OMS en 2011 en propose une modélisation basée sur 3 catégories [1] : les éléments liés à la sous-estimation du danger, ceux liés à la commodité de la vaccination et ceux liés à la confiance.

Dans ce modèle,

  • la sous-estimation du danger est présente lorsque les risques de la maladie évitable par vaccination sont perçus comme faibles et la vaccination n’est pas considérée comme une action préventive nécessaire.
    • Elle est influencée par de nombreux facteurs, notamment la concurrence entre priorités de vie ou de santé à un moment donné de la vie.
    • Le succès des programmes de vaccination l’alimente, paradoxalement, en contribuant à une apparente disparition de la menace liée une maladie infectieuse
  • la confiance englobe des aspects comme la conviction en
    • l’efficacité et la sécurité du vaccin,
    • la qualité du programme de vaccination (incluant la fiabilité et la compétence des services de santé),
    • la transparence des motivations et processus de prises de décisions politiques.
  • la commodité de la vaccination couvre des éléments tels :
    • une disponibilité de l’offre de vaccination,
    • une accessibilité économique et géographique,
    • une capacité de comprendre l’offre (langue et littératie en santé), etc.
      La commodité recouvre aussi le ressenti (qualité perçue et/ou réelle) de la relation avec le système de santé et la corrélation de l’organisation de ce dernier (lieux, horaires, etc.) avec le contexte de vie et les attentes des populations (confort, respect de la diversité culturelle, etc.).

En référence à ce modèle, le groupe de travail a dégagé une liste de déterminants des hésitations à l’égard des vaccins, reprise ci-dessous.

Déterminants des hésitations à l’égard des vaccins

Influences du contexte : Influences liées à l’histoire, aux facteurs socio-culturels, à l’environnement, au système de santé , aux facteurs économiques et politiques

  1. Communication et environnement médiatique
  2. Leaders d’opinion, promoteur du programme de vaccination et lobbys pro- et anti-vaccination
  3. Influences historiques
  4. Religion, culture, genre, facteurs socio-économiques
  5. Politiques
  6. Barrières géographiques
  7. Perception de l’industrie pharmaceutique

Influences individuelles et de groupe : Influences liées à la perception personnelle du vaccin ou influences de l’environnement social et des pairs

  1. Expérience personnelle, familiale et/ou des membres de la communauté vis-à-vis de la vaccination (douleur incluse)
  2. Croyances et attitudes vis-à-vis de la santé et de la prévention
  3. Connaissances et prise de conscience
  4. Confiance et expérience personnelle dans le système de santé et les fournisseurs
  5. Perception du rapport risques/bénéfices
  6. Vaccination perçue comme norme sociale versus comme inutile ou nocive

Facteurs spécifiques à un vaccin ou à la vaccination

  1. Rapport risques/bénéfices sur le plan épidémiologique et des preuves scientifiques
  2. Introduction d’un nouveau vaccin ou d’une nouvelle formulation ou d’une nouvelle recommandation pour un vaccin existant
  3. Mode d’administration
  4. Organisation du programme de vaccination/mode d’administration (en routine ou campagne de masse)
  5. Fiabilité et source d’approvisionnement des vaccins et/ou du matériel de vaccination
  6. Schémas de vaccination
  7. Coûts
  8. Force de la recommandation et/ou bases des connaissances et/ou attitudes des professionnels de la santé

On remarque que les déterminants de l’hésitation à l’égard des vaccins comme l’éducation ou le statut socio-économique n’agissent pas de manière univoque (contrairement à ce qui est constaté pour les déterminants sociaux de la santé). En effet, un niveau élevé d’éducation peut tout autant être associé avec une acceptation basse ou élevée de la vaccination. Ceci est d’ailleurs confirmé par l’hésitation à l’égard de la vaccination ressentie par certains médecins.

La communication peut influencer négativement l’utilisation de la vaccination lorsqu’elle est pauvre ou inadéquate.

Sur base de cette modélisation, l’OMS et l’UNICEF ont inclus des questions relatives à l’hésitation à l’égard des vaccins dans leurs récoltes annuelles d’informations auprès des responsables des programmes de vaccination nationaux. En 2013, 68% des pays ont répondu à une des questions posées « Quelles sont les 3 raisons principales de non acceptation des vaccins du programme national » [2]. Les 3 raisons rapportées le plus souvent étaient : les croyances, attitudes et motivation vis-à-vis de la santé et de la prévention, le rapport risques/bénéfices des vaccins et l’environnement de communication et d’informations médiatiques.

Enjeux

Selon le bureau européen de l’OMS, il est essentiel de préserver les acquis, sur le plan de la santé publique, des programmes de vaccination mis en place depuis des dizaines d’années.
L’impact de ces programmes est dépendant de la disponibilité et de la qualité des vaccins et des services de vaccination, ainsi que de la conviction et de l’engagement des professionnels de la santé et des décideurs. Mais il repose aussi sur la juste perception par les populations de notions telles que :

  • les bénéfices et les risques liés à la vaccination,
  • l’existence des maladies infectieuses évitables et les risques de complications qui les accompagnent
  • les processus de décision et d’élaboration des recommandations vaccinales
  • les responsabilités parentales en matière de protection des enfants vis-à-vis des maladies évitables.

Stratégies mises en œuvre face à l’hésitation à l’égard des vaccins

Réagir à l’hésitation à l’égard des vaccins n’est pas une tâche facile, étant donné la multitude d’éléments qui peuvent potentiellement influencer le processus de décision d’un individu, que ce soit pour sa propre vaccination ou celle de son enfant.

Le principal écueil à garder à l’esprit est justement qu’il n’existe pas un facteur unique, ni une population homogène de personnes hésitantes.
Ceci implique

  • pour les autorités (à l’échelle d’un pays, d’une région), de financer les études et les analyses basées sur la modélisation en 3 catégories (sous-estimation du danger, commodité de la vaccination et confiance) qui permettront de mieux connaître le phénomène (par exemple aspects géographiques, culturels, religieux, socio-économiques, etc). Grâce à la prise en considération de cette complexité, des interventions adaptées aux différents sous-groupes, contextes, vaccins, etc. peuvent être construites
  • pour les vaccinateurs individuels, d’écouter leurs patients, d’analyser les motivations de leurs hésitations. En privilégiant une attitude bienveillante de non jugement, ils peuvent alors développer une information et un conseil adaptés aux caractéristiques de chaque type de patient.

Suivant ce raisonnement, à l’initiative de l’European Technical Advisory Group of Experts on Immunization, un guide a été proposé en 2013 : Guide to tailoring immunization programmes [3].

Une revue systématique de la littérature « peer reviewed  » et de la littérature grise (de janvier 2007 à octobre 2013) a permis d’identifier les stratégies utilisées habituellement pour répondre aux problèmes posés par l’hésitation à l’égard des vaccins [4]. Parmi ces dernières, peu ont été évaluées en terme soit d’impact sur les taux de vaccination, soit en terme de changements de connaissances, d’attitudes ou de comportements. Ces stratégies portaient le plus souvent sur la grippe, le papillomavirus humain et la vaccination des enfants, dans l’aire géographique des Amériques. La majorité des actions visaient l’accroissement des connaissances et de la prise de conscience.
Treize études seulement (sur plus de 170) ont pu être prises en considération pour l’établissement de preuves GRADE. On relevait des preuves de qualité modérée en faveur : de l’usage de la mobilisation sociale, des mass-médias, des outils de formation pour les professionnels de la santé ; des encouragements non financiers ; des envois de rappels. De manière générale, les interventions comportant de multiples démarches et basées sur le dialogue étaient plus efficaces.
Il apparaît cependant, sur base de cette revue de littérature, que les approches développées et publiées jusqu’à présent ne tiennent pas suffisamment compte de la multiplicité des déterminants de l’hésitation à l’égard des vaccins, ni de l’hétérogénéité des sous-groupes de populations concernés.
Par ailleurs, la tentation est souvent grande, pour les responsables des politiques vaccinales, de recourir à la simple information ou au marketing social comme réponse principale aux hésitations à l’égard des vaccins.

Les limites du marketing social

On présente trop souvent le marketing social [5] [6] comme une solution miracle pour répondre aux hésitations à la vaccination, alors qu’il ne constitue qu’une des pistes à exploiter.
La démarche de marketing social a des spécificités qu’il faut bien appréhender pour comprendre les contraintes et limites de son usage. Contrairement au marketing commercial, qui vise la vente de produits et se contente de s’adapter aux désirs du consommateur, le marketing social recherche le bien-être du public en remettant en questions, voire en bousculant certains désirs du public. A la gratification immédiate recherchée par le marketing (l’achat de l’objet désiré), le marketing social propose un bien supérieur à long terme (l’absence de survenue d’une hypothétique infection dans le futur pour la vaccination).
Plus fondamentalement, le marketing commercial ne cherche pas à changer le consommateur, alors que le marketing social veut modifier des attitudes, des valeurs, des comportements ; l’enjeu est de redonner du « sens », aux yeux de chacun, à la pratique de vaccination.
Par ailleurs, le marketing social mis au service de la santé ne peut se contenter d’une recherche de l’efficacité. Des limites éthiques s’imposent : la fin, si honorable soit-elle, ne justifie pas tous les moyens (par exemple la propagande sans nuance en faveur de la vaccination).

Cet article a été initialement publié en 2016. Au vu de l’actualité, nous le mettons à nouveau en évidence.

Références

[1N. MacDonald, the SAGE Working Group on Vaccine Hesitancy. Vaccine hesitancy : definition, scope and determinants. Vaccine. 2015 ; 33 : 4161-4164.

[2H. Larson, C. Jarrett, W. Schulz et al. The SAGE Working Group on Vaccine Hesitancy. Measuring vaccine hesitancy : the development of a survey tool. Vaccine. 2015 : 4165-4175.

[3R. Butler, N. MacDonald, the SAGE Working Group on Vaccine Hesitancy. Diagnosing the determinants of vaccine hesitancy in specific subgroups : The Guide to Tailoring Immunization Programmes (TIP). Vaccine. 2015 ; 33 : 4176-4179.

[4C. Jarrett, R. Wilson, M. O’Leary et al. Strategies for addressing vaccine hesitancy – A systematic review. Vaccine. 2015 ; 33 : 4180-4190.

[5G. Nowak, B. Gellin, N. MacDonald, B. Butler, the SAGE Working Group on Vaccine Hesitancy. Addressing vaccine hesitancy : the potential value of commercial and social marketing principles and practices. Vaccine. 2015 ; 33 : 4204-4211.

[6R. Bontemps, A. Cherbonnier, P. Mouchet, P. Trefois. Communication et promotion de la santé. Aspects théoriques, méthodologiques et pratiques. Publié par Question Santé asbl.


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