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La rougeole de retour en Belgique (2008)

publié le lundi 1er septembre 2008

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) veut éliminer la rougeole en Europe pour l’année 2010.

L’élimination de la rougeole veut dire que le virus ne circule plus dans la région, et qu’après importation du virus, la transmission s’interrompt spontanément. Pour atteindre cet objectif, la couverture vaccinale doit être d’au moins 95% pour 2 doses de vaccin anti-rougeoleux.

Malgré une couverture vaccinale de plus de 80 à 90% pour une dose de vaccin, plusieurs pays en Europe ont été confrontés à des foyers de cas ou des épidémies de rougeole au cours des dernières années. Ces épidémies ont permis d’identifier certains groupes à risques pour la transmission de la rougeole, tels que le personnel soignant dans les hôpitaux et les personnes qui voyagent (touristes et personnes de voyage) [1].
Après l’introduction du vaccin trivalent RRO en 1983, l’incidence de la rougeole en Belgique a diminué de 998 cas par 100.000 habitants en 1982 à 0.5 – 1 par 100.000 habitants en 2006 [2].

Méthode

En Communauté flamande, la rougeole est une maladie à déclaration obligatoire uniquement dans le cadre du contrôle des maladies transmissibles dans les écoles. En octobre 2007, le « Centrum voor Leerlingenbegeleiding » (CLB) de la province d’Anvers a déclaré 8 cas suspects de rougeole dans des communautés juives orthodoxes. Le diagnostic de la rougeole a été confirmé par des tests salivaires au laboratoire de référence de la rougeole (ISP).
L’investigation des cas notifiés a été réalisée conjointement par la « Vlaams Agentschap Zorg en Gezondheid  » et l’Institut de Santé Publique (sections d’Epidémiologie et de Virologie). En collaboration avec les communautés juives d’Anvers, un appel a été lancé dans un journal juif pour la déclaration de cas. L’investigation des cas déclarés par les communautés juives, les services de médecine scolaire (CLB) d’Anvers, des médecins et par le laboratoire de référence a permis d’identifier d’autres cas parmi les contacts.
Pour chaque cas identifié, un questionnaire a été rempli par téléphone ou lors d’une visite à domicile. L’investigation étant toujours en cours, les résultats présentés ci-dessous sont préliminaires.

Résultats

Au total, au moins 138 cas de rougeole ont été identifiés à Anvers entre août 2007 et fin mai 2008. Ce chiffre sous-estime vraisemblablement le nombre réel de cas, puisque la déclaration des cas n’est pas obligatoire (sauf dans les écoles), et que toutes les familles n’ont pas consulté un médecin. La figure 1 présente la courbe épidémiologique de l’épidémie.
Le virus de la rougeole a été introduit dans les communautés juives orthodoxes anversoises à plusieurs reprises, en provenance de Londres et d’Israël. Le génotypage du virus a permis de documenter ce lien ; il s’agit du génotype D4, qui est identique au virus responsable d’épidémies de rougeole en Angleterre et en Israël [3] [4]. Presque tous les cas, sauf 8, faisaient partie d’une des communautés juives orthodoxes d’Anvers. Le lieu d’habitation était situé dans le quartier juif d’Anvers pour 93%.
Le diagnostic de la rougeole a été confirmé pour 39 cas (28%). Vu les contacts rapprochés dans les communautés juives orthodoxes, un lien épidémiologique est supposé pour tous les autres cas, même si un lien direct n’a pas pu être démontré pour chaque cas individuel. La transmission de la maladie se faisait principalement dans les écoles pour le cas index dans une famille, avec transmission vers les frères et soeurs non scolarisés et souvent encore non vaccinés. Le taux d’attaque au sein des membres vivant sous le même toit était en moyenne de 31% (range de 11 à 83 %).
La majorité des cas (88%) avaient moins de 11 ans (figure 2, page 7) ; 11% des cas avaient moins de 1 an, et n’étaient donc pas éligibles pour la vaccination. Les quelques personnes adultes étaient principalement non juives. Des complications (otite ou broncho-pneumonie) ont été observées dans 14% des cas et 6% des personnes ont dû être hospitalisées.
Le statut vaccinal était connu pour 129 cas (93%). La vaccination avec une dose de vaccin RRO était documentée pour 12% des cas. Aucun cas n’avait reçu deux doses de vaccin.
Les raisons de non-vaccination pour les personnes éligibles pour la vaccination (information pour 68 personnes) étaient :
 sur l’avis du médecin ou par manque d’information pour 25 enfants (37%) ;
 par oubli (pour un ou deux enfant(s) dans des familles nombreuses) pour 18 enfants (26%) ;
 pour maladies répétées ou allergie lors de la petite enfance pour 16 enfants (24%).
Seules 4 familles (13% des cas non vaccinés) étaient anti-vaccination.

Discussion

Dans les pays ou communautés avec une couverture vaccinale trop basse, comme c’était le cas dans ces communautés à Anvers, le risque d’épidémie est réel [5]. Toutefois, grâce à la couverture vaccinale générale de 94% chez les nourrissons à Anvers, l’épidémie est restée plus ou moins limitée aux communautés juives orthodoxes insuffisamment vaccinées.
Quelques médecins (généralistes et pédiatres) consultés par ces communautés déconseillent la vaccination pour les petits enfants. En plus, certaines écoles juives non subsidiées ne collaborent pas avec un service de médecine scolaire, et le statut vaccinal des élèves n’y est pas vérifié. Ceci a conduit à une accumulation d’enfants susceptibles de contracter la rougeole dans ces communautés. La Communauté flamande et les communautés juives orthodoxes collaborent actuellement activement pour essayer de trouver une solution à long terme, pour éviter des épidémies dans le futur.
L’épidémie à Anvers montre que la Belgique n’a pas encore éliminé la rougeole. Il faut continuer à vacciner avec 2 doses du vaccin RRO, confirmer le diagnostic de la rougeole pour les cas suspects (par un test salivaire gratuit), et rapporter les cas aux inspecteurs d’hygiène compétents, de façon à pouvoir documenter l’origine de l’infection et limiter la pro-pagation de l’infection.

Dr. T. Lernout,
Institut Scientifique de Santé Publique
Dr. G. Top,
Vlaams Agentschap Zorg en Gezondheid

Nous tenons à remercier les personnes qui ont contribué à l’investigation de cette épidémie : nos collègues, le personnel des CLB d’Anvers, les médecins généralistes et pédiatres ainsi que les communautés juives d’Anvers.

[3Ashmore J, Addiman S, Cordery R, Maguire H. Measles in North East and North Central London, England : a situation report. Euro Surveill, 2007 ; 12(9)

[4Stewart-Freedman B, Kovalsky N. An ongoing outbreak of measles linked to the United Kingdom in an ultra-orthodox Jewish community in Israel. Euro Surveill, 2007 ; 12(9)

[5Andrews N et al. Towards elimination : measles susceptibility in Australia and 17 European countries. Bulletin of the WHO 2008, 86 (3)


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