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Rougeoleprint

Les épidémies du premier semestre 2017 en Belgique et en Europe

publié le jeudi 14 septembre 2017

Des cas de rougeole ont encore été constatés dans plusieurs pays européens lors du premier semestre 2017. La Wallonie a notamment été touchée par une épidémie, avec près de 300 cas déclarés. Fin juin 2017, une épidémie se déclarait aussi à la prison de Gand.

L’épidémie wallonne a débuté avec la détection d’un groupe de trois cas de rougeole en décembre 2016. Dès la mi-janvier 2017, le nombre de cas de rougeole a régulièrement augmenté. Au début du mois de mai, l’Agence pour une Vie de Qualité (AVIQ) communiquait que le pic de l’épidémie (40 cas) était survenu la semaine 10 (début mars) pour ensuite diminuer graduellement.

Au 08/05/2017 inclus, un total de 293 cas de rougeole avait été signalé à la cellule de surveillance des maladies infectieuses de l’AVIQ, contre 19, 34, 10 et 14 cas au total pour 2016, 2015, 2014 et 2013, respectivement. Parmi ces 293 cas recensés, 115 ont été hospitalisés. Aucun décès n’est survenu. Dans la majorité des cas (89%) déclarés, la personne soit n’était pas vaccinés (31%) soit ne connaissait pas son statut vaccinal (58%).
Lors de l’épidémie à la prison de Gand, entre fin juin et fin juillet, 19 prisonniers et 5 travailleurs ont été touchés.

L’AVIQ rappelle que la rougeole est une maladie à déclaration obligatoire dès suspicion. Tout cas suspect doit être impérativement déclaré par le médecin à la cellule de surveillance des maladies infectieuses de l’AViQ afin que celle-ci puisse coordonner les mesures de prévention rapidement.

Rappel du contexte belge

En Belgique, la vaccination contre la rougeole est reprise dans le calendrier des vaccinations recommandées dans l’enfance -et le vaccin accessible gratuitement via les programmes de vaccination gérés par les Communautés-, depuis 1985 (une dose) et depuis 1995 (deux doses).
En Wallonie, la couverture vaccinale pour la première dose de RRO mesurée à l’âge de 18 à 24 mois est passée de 82,4% en 1999 à 95,6% en 2015 et la couverture pour la deuxième dose à l’âge de 11 à 12 ans était de 75,0 % en 2016.
En Flandre, la couverture vaccinale en 2016 était de 96,2% pour la première dose et de 93,4% pour la deuxième dose.
Depuis la dernière grande épidémie de rougeole en Belgique en 2011, de petites épidémies se sont produites, avec une moyenne de 68 cas entre 2012 et 2016. La rougeole continue d’être considérée comme endémique en Belgique et les objectifs d’élimination ne sont pas encore atteints.

Analyse des caractéristiques de l’épidémie en Wallonie

Des auteurs belges ont publié un article dans Eurosurveillance, présentant une analyse des données sur 177 cas (signalés jusqu’au 12 mars 2017) pour lesquels des informations cliniques avaient été recueillies et enregistrées.
Parmi ces 177 cas, 96 avaient été confirmés en laboratoire, 52 étaient des cas probables sur base d’un lien épidémiologique à un cas de rougeole confirmé et 29 étaient des cas possibles basés uniquement sur le tableau clinique.

Le cas initial (index) de 2016 était un résident belge qui avait voyagé en Roumanie pendant la période d’incubation ; ce cas était probablement importé. D’autres cas liés au groupe de décembre ont été principalement notifiés après la mi-janvier 2017.
A partir de la mi-février 2017, le nombre de notifications hebdomadaires a considérablement augmenté, avec une moyenne de 36 nouveaux cas de rougeole signalés par semaine depuis la semaine 8.

Aspects géographiques

L’épidémie a affecté quatre des cinq provinces wallonnes : Hainaut (97 cas, 55%), Liège (40 cas, 23%), Namur (26 cas, 15%) et le Brabant wallon (12 cas, 7%) ; la localisation de 2 cas n’a pas été précisée.
La province de Luxembourg, moins (densément) peuplée, n’a pas été affectée.
L’épidémie a commencé en Hainaut à la semaine 3 (5 cas) avec une transmission rapide à partir de la semaine 6 (15 cas). Les patients touchés étaient principalement originaires du centre et de l’est de l’Europe. Beaucoup d’entre eux n’étaient pas vaccinés ou avaient un statut de vaccination inconnu et la transmission s’est produite au sein des familles. 
Au cours de la deuxième semaine de 2017, des cas supplémentaires se sont produits dans la province de Namur, avec un minimum de sept cas nosocomiaux.
Un troisième foyer est parti d’une garderie pour enfants de 0 à 3 ans, à la semaine 4 en Brabant wallon. Il a touché deux jeunes enfants (1 et 2 ans) et une femme enceinte.
Dans la province de Liège, un patient hospitalisé, qui avait été en Roumanie pendant la période d’incubation, est soupçonné d’être le cas source d’un autre foyer.

Répartition par âges

Les personnes atteintes étaient âgées de 5 mois à 52 ans. L’âge médian était de 14 ans. Dix-sept cas (10%) concernaient des nourrissons de moins de 1 an, 31 cas (17%) des enfants de 1 à 4 ans, 24 cas (14%) des enfants de 5 à 9 ans, 16 cas (9%) des enfants de 10 à14 ans ; 89 cas (50%) avaient 15 ans et plus.

Etat vaccinal

La majorité des cas ont été constatés chez des personnes non vaccinées (61 cas, 35%) ou ne connaissant pas leur statut de vaccination (95 cas, 54%). Six cas (3%) concernaient des personnes vaccinées avec deux doses et 15 (8%) des personnes vaccinées avec une dose.

Complications

Septante-six cas (43%) ont été hospitalisés. Des informations sur les raisons de l’hospitalisation étaient disponibles pour 42 patients. Parmi les cas de complications, 10 malades étaient âgés de 0 à 4 ans, 7 de 5 à 14 ans et 25 avaient 15 ans et plus.
Les principales complications variaient selon l’âge :

  • chez les enfants de 0 à 4 ans : une déshydratation (n = 6), des convulsions fébrile (n = 1), une pneumonie (n = 3)
  • chez les 5-14 ans : une déshydratation (n = 4), une cytolyse hépatique (n = 1), des problèmes gastro-intestinaux (n = 1) et une otite moyenne (n = 1)
  • chez les adolescents et les adultes de 15 ans et plus : une déshydratation (n = 6), un trouble hépatique ou une hépatite (n = 8), une pneumonie (n = 4).

La déshydratation chez les enfants et les adultes a souvent été causée par une stomatite qui rend difficile l’alimentation.
Un cas d’encéphalite aiguë s’est produit chez un jeune adulte. D’autres complications rencontrées chez les adultes étaient la pancréatite (1 cas) et l’uvéite (1 cas).
Quatre femmes enceintes ont eu un diagnostic confirmé de rougeole et ont été hospitalisées. Une femme enceinte a développé une hépatite et une autre a eu des complications pulmonaires et un accouchement prématuré.
Aucun décès n’a été signalé.

Symptômes

Les cas n’ont pas toujours présenté la triade classique des symptômes conforme à la définition de cas européenne (ECDC). C’était plus particulièrement le cas chez les personnes vaccinées, pour lesquelles soit la fièvre ou l’éruption cutanée était parfois absente, soit les symptômes apparaissaient dans un ordre inhabituel (par exemple, de la fièvre et des éruptions cutanées apparaissant le même jour sans autre symptôme). 
Deux personnes vaccinées ont présenté seulement une rhinite sans éruption cutanée (confirmation de la vaccination sur base de la carte de vaccination et de la présence du virus de la rougeole par PCR).
Ces cas atypiques ont été identifiés par le biais du suivi des contacts. Certains de ces cas n’étaient initialement pas soupçonnés d’avoir contracté la rougeole puisque les symptômes initiaux étaient des complications telles que l’hépatite, la pancréatite, la pneumonie ou une stomatite.

Génotypage

Tous les cas génotypés (n = 44) au 12 mars ont été classés comme B3. Tous ces cas ont été séquencés et sont identiques les uns aux autres et à la souche identifiée pour le cas initial de décembre 2016 et aux souches circulant en Roumanie, en Italie et en Autriche à la fin de 2016, selon la base de données de l’Organisation mondiale de la santé.

Gestion de l’épidémie

Les autorités régionales de la santé en Wallonie ont répondu à l’épidémie selon une procédure définie, notamment sur base de l’expérience des années précédentes :

  • le suivi des contacts et l’étude des sources ont été effectuées pour chaque cas
  • les cas ont été isolés le cas échéant (p. ex. salles d’attente distinctes, exclusion de l’école)
  • la vaccination a été proposée à tous les contacts susceptibles, par l’entremise des médecins généralistes, pédiatres, médecins du travail ou hôpitaux. La susceptibilité a été vérifiée en fonction de l’état de vaccination et de la date de naissance (ceux nés avant 1970 ont été considérés comme protégés). 
Deux doses de vaccin contre la rougeole ont été recommandées aux contacts non vaccinés ou une deuxième dose a été recommandée à ceux vaccinés avec une dose seulement.
  • Des lettres d’information ont été envoyées aux médecins généralistes, aux hôpitaux, aux centres d’asile et aux services tels que la médecine scolaire, etc, en Wallonie et dans la Région de Bruxelles Capitale, soulignant l’importance d’une détection précoce, de la vaccination et de la déclaration (obligatoire).
  • Des lettres d’information ont été envoyées à tous les parents des étudiants qui fréquentaient des écoles et / ou des cours où des cas de rougeole avaient été signalés, ainsi qu’aux directeurs d’écoles dans la province du Hainaut, la région la plus touchée.
  • En fin février 2017, les autorités régionales de la santé ont communiqué à grande échelle (communiqué de presse, site Web public, courriels, newsflash, Intranet pour les professionnels, etc), afin d’informer la population générale et les professionnels de la santé.

Réflexions

L’épidémie a concerné plus particulièrement une population non vaccinée originaire d’Europe Centrale et de l’Est. Elle n’appartenait pas à la population des Sinti ou des Roms mais résidait en Belgique en habitat permanent. Ses membres faisaient des voyages fréquents à l’étranger et se déplaçaient principalement en Wallonie, fréquentant des rassemblements familiaux. Les interventions ont été complexifiées par des barrières linguistiques et le fait que ces personnes fréquentent rarement le système de santé. Dans ce contexte, la pertinence d’une mise en place d’une équipe de vaccination mobile et d’un accès facilité aux vaccins pourrait être étudiée.

Certaines personnes atteintes se sont présentées dans les hôpitaux à un stade précoce, sans éruption cutanée ou avec des symptômes atypiques sévères. Le diagnostic de rougeole n’était dès lors pas posé d’emblée, ce qui a entraîné des transmissions nosocomiales, y compris parmi les travailleurs de la santé (18 cas). Les travailleurs de la santé touchés par la rougeole représentent un défi majeur pour la gestion des épidémies. Outre une sensibilisation des équipes d’hygiène hospitalière, un cadre juridique de la vaccination des professionnels de la santé pourrait être étudié.

Même en tenant compte d’un sous-rapportage des cas non compliqués, on constate que la proportion de personnes hospitalisées (43%) et le taux de complications sont élevés. Par ailleurs, des femmes enceintes et de très jeunes nourrissons ont été contaminés.

Des recommandations devraient clarifier

  • l’âge à partir duquel la vaccination contre la rougeole (en tant que prophylaxie post-exposition) peut être administrée pour être efficace (cas des nourrissons) ;
  • les indications pour l’administration d’immunoglobulines (enfants trop jeunes pour être vaccinés, dépassement du délai pour la vaccination prophylactique, etc).

Enfin, les enjeux d’une sensibilisation de la population doivent être soulignés : en raison de la vaccination généralisée contre la rougeole, cette maladie est devenue rare et une grande partie de la population générale, ainsi que certains médecins, semblent l’avoir oubliée !

Situation en Roumanie et en UE

Une épidémie de rougeole est en cours en Roumanie depuis février 2016. Des cas continuent à apparaître malgré les mesures de vaccination renforcées. Chaque semaine, de nouveaux cas sont encore signalés. Entre le 1er janvier 2016 et le 28 juillet 2017, 8.347 cas ont été signalés, dont 6.278 depuis le 1er janvier 2017. Au total, 32 décès ont été recensés.

Des épidémies de rougeole, antérieures et en cours dans d’autres pays de l’UE et de l’EEE ont été liées épidémiologiquement à l’épidémie actuelle en Roumanie.
En plus de la Roumanie, les pays UE / EEE suivants ont signalé des cas de rougeole en 2017 (chiffres jusqu’au 1er août 2017) :

  • Allemagne : 814 cas, dont 1 décès
  • Autriche : 78 cas
  • Bulgarie : 166 cas, dont 3 décès
  • Danemark : 1 cas
  • Espagne : 145 cas
  • Finlande : 8 cas
  • France : 295 cas, dont 1 décès
  • Hongrie : 54 cas
  • Islande : 2 cas
  • Italie : 4.001 cas (dont 275 cas nosocomiaux), dont 3 décès
  • Portugal : 156 cas, dont 1 décès
  • Royaume-Uni : 962 cas, dont 1 décès
  • Slovaquie : 1 cas
  • Suède : 19 cas
  • Tchéquie : 133 cas

Portugal

Une épidémie de rougeole est signalée au Portugal (plus particulièrement en Algarve et à Lisbonne) depuis février 2017. Plusieurs caractéristiques de cette épidémie sont similaires à celles relevées pour l’épidémie en Wallonie.
Au 31 mai, 156 cas de rougeole ont été notifiés : 28 cas confirmés, 7 classés comme possibles, 3 cas en cours d’enquête et 117 cas écartés. Le génotype B3 a été identifié dans 14 cas des deux régions. Cette épidémie survient après 12 ans sans transmission endémique de la rougeole.
La plupart des cas de rougeole confirmés (n = 19) se sont produits chez les adultes (≥ 18 ans), deux cas chez des adolescents (10-18 ans) et sept cas chez des enfants de moins de 10 ans. Cinq étaient des nourrissons de moins de 1 an, trop jeunes pour être vaccinés. Treize cas concernaient des professionnels de santé, dont trois n’étaient pas vaccinés. Un adolescent non vacciné est décédé.
Sur les 28 cas, 16 n’avaient pas été vaccinés auparavant ; 4 cas avaient une preuve documentée d’une dose de vaccination et 8 cas de deux doses ou plus.

Sources
 Vermeeren A, Goffin F. Statistique de couverture vaccinale en 6ième primaire en Fédération Wallonie-Bruxelles en 2015-2016. Brussels : Provac ; 2016. French.

 Grammens T, Schirvel C, Leenen S, Shodu N, Hutse V, Mendes da Costa E, Sabbe M. Ongoing measles outbreak in Wallonia, Belgium, December 2016 to March 2017 : characteristics and challenges. Euro Surveill. 2017 ;22(17):pii=30524. DOI : http://dx.doi.org/10.2807/1560-7917.ES.2017.22.17.30524

 Epidemiological update : Measles - monitoring European outbreaks
http://ecdc.europa.eu/en/press/news/_layouts/forms/News_DispForm.aspx?ID=1623&List=8db7286c-fe2d-476c-9133-18ff4cb1b568&Source=http%3A%2F%2Fecdc%2Eeuropa%2Eeu%2Fen%2FPages%2Fhome%2Easpxs

 George F, Valente J, Augusto GF, Silva AJ, Pereira N, Fernandes T, Palminha P, Aguiar BA, Martins A, Santos E, Valente P, Calé E, Leça A, Nogueira PJ. Measles outbreak after 12 years without endemic transmission, Portugal, February to May 2017. Euro Surveill. 2017 ;22(23):pii=30548. DOI : http://dx.doi.org/10.2807/1560-7917.ES.2017.22.23.30548

 FLASH Maladies infectieuses – Août 2017 - N°8

 Epidemiological update : Measles - monitoring European outbreaks, 4 August 2017


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