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Pneumocoqueprint

Une vision personnelle d’un expert

publié le lundi 3 décembre 2018

Dans cet article, le prof. Philippe De Wals, de l’Université Laval et de l’Institut national de santé publique du Québec, titulaire de la Chaire internationale Franqui 2019-2020, propose sa vision personnelle sur les questions des vaccins et des schémas de vaccination indiqués pour prévenir les infections pédiatriques à pneumocoques. Dans le prochain numéro de Vax Info sera publié le nouvel avis du Conseil supérieur de la santé, actuellement en préparation, relatif à la vaccination contre le pneumocoque des enfants. Ce nouvel avis repose sur les données épidémiologiques les plus récentes dans notre pays.

A l’heure actuelle, deux vaccins pneumococciques conjugués sont commercialisés : le Synflorix (VPC-10) et le Prevenar-13 (VPC-13).
Le premier comprend les polysaccharides capsulaires de 10 sérotypes (1, 4, 5, 6B, 7F, 9V, 14, 18C, 19F et 23F), dont la majorité sont conjugués à la protéine D dérivée d’une souche non typable de l’Haemophilus influenzae.
Le second vaccin comprend les polysaccharides des mêmes sérotypes conjugués à une protéine dérivée de l’anatoxine diphtérique (CRM197) et en outre les polysaccharides des sérotypes 3, 6A et 19A.

Données disponibles

Les données portant sur l’immunogénicité de ces deux vaccins et leur capacité à prévenir les infections invasives à pneumocoque, les pneumonies pneumococciques et le portage asymptomatique du Streptococcus pneumoniae, ont fait l’objet d’une revue systématique récente (1). En voici quelques constatations.

De manière générale, le VPC-13 génère une réponse immunologique plus forte que le VPC-10. Il est toutefois difficile de prédire l’impact de différents calendriers à partir de ce type de données. Les deux vaccins confèrent une protection élevée contre les infections invasives à pneumocoque (IIP) par les sérotypes qui entrent dans leur composition. Le sérotype 3, toutefois, est une exception, le VPC-13 ayant un impact limité sur les IIP causées par ce sérotype (2). Le VPC-10 confère une protection croisée contre les infections invasives causées par les sérotypes 6A et 19A. Il est toutefois possible que cette protection croisée soit de plus courte durée que celle conférée par le VPC-13, comme cela a été suggéré en Finlande (3). Le VPC-13 peut également assurer un certaine protection croisée contre le sérotype 6C qui ne figure pas dans sa composition.
Les deux vaccins sont efficaces pour diminuer la prévalence du portage asymptomatique des souches de pneumocoques appartenant aux sérotypes vaccinaux.
L’introduction d’un programme de vaccination des enfants avec le VPC-10 ou le VPC-13 est toujours suivie d’une réduction de l’incidence des IIP causées par les sérotypes vaccinaux dans tous les groupes d’âge, conséquence d’une immunité de groupe (herd immunity). Les bénéfices de cette immunité de groupe chez les adultes sont toutefois érodés en partie ou en totalité car la diminution des infections graves liées aux sérotypes vaccinaux est accompagnée d’une augmentation des infections liées aux sérotypes non repris dans les vaccins. L’ampleur du phénomène de remplacement peut différer d’un pays à l’autre sans que l’on comprenne bien les causes de ces différences.

En ce qui concerne le nombre de doses requises pour optimiser l’impact d’un programme, il semble bien qu’un calendrier comportant 2 doses de vaccin en bas âge et une dose de rappel durant la deuxième année de vie (le calendrier 2 + 1) soit aussi efficace qu’un calendrier comportant 3 doses en bas âge et une dose de rappel (le calendrier 3 + 1) et pour autant que le taux de couverture vaccinale soit élevé (5).

L’étude de l’épidémiologie des IIP en Suède est particulièrement intéressante, car une partie des comtés est passée du VPC-7 (introduit en 2008-2009) au VPC-10 et une autre partie du VPC-7 au VPC-13 et cela à partir de 2010 (10). Globalement, on a observé une réduction des IIP causées par les sérotypes vaccinaux dans tous les groupes d’âge et une augmentation variable des sérotypes non vaccinaux. L’incidence globale des IIP a diminué chez les enfants à la suite de l’introduction du VPC-7 et des vaccins de nouvelle génération. Les diminutions ont été similaires dans les comtés utilisant le VPC-10 et les comtés utilisant le VPC-13. Chez les adultes, l’incidence globale des IIP n’a pas changé significativement dans les 2 groupes. Dans les comtés VPC-10, on a observé une augmentation du 19A et dans les comtés VPC-13 une diminution du 19A. Par contre, les sérotypes non vaccinaux ont augmenté de manière plus forte dans les comtés VPC-13 par rapport aux comtés VPC-10, ce qui explique les faibles différences dans l’incidence des IIP de tout sérotype, tant chez les enfants que chez les adultes.

Les essais randomisés réalisés avec le VPC-7 et le VPC-10 ont montré une diminution de fréquence des pneumonies acquises dans la communauté chez les enfants vaccinés (1). Dans un essai randomisé réalisé chez des adultes, l’efficacité du VPC-13 à prévenir les pneumonies non-invasives causées par les sérotypes vaccinaux était moitié moindre que celle mesurée pour les infections invasives, de l’ordre de 40% (6). Cette observation supporte l’hypothèse d’un effet de ce vaccin pour la prévention des pneumonies non bactériémiques chez les enfants. Il est difficile de faire un diagnostic étiologique de pneumonie chez les enfants et le pneumocoque n’est en cause que dans une minorité de cas. L’immunité de groupe induite par tous les programmes d’immunisation des enfants avec des vaccins pneumococciques conjugués et le remplacement des sérotypes couverts par les vaccins par des sérotypes non vaccinaux compliquent les prédictions relatives à la protection directe conférée par le VPC-10 et le VPC-13. Il n’existe pas de bonnes études comparant l’impact de ces 2 vaccins sur les pneumonies et il est impossible de conclure à la supériorité de l’un ou de l’autre.
En ce qui concerne les otites, il existe une étude en Suède suggérant un impact plus élevé d’un calendrier 2 + 1 avec le VPC-10 que le VPC-13, mais il faut rester prudent dans l’interprétation de l’évolution des tendances dans un contexte de changements des pratiques de diagnostic et de prise en charge des otites (7).

Calendrier vaccinal

Le choix d’un calendrier vaccinal doit reposer sur une série de critères incluant la situation épidémiologique et le fardeau de la maladie, l’efficacité du vaccin et sa sécurité, la faisabilité du programme, son coût et son acceptabilité. Au Québec, un cadre analytique standard a été proposé pour évaluer les stratégies vaccinales. Il a été adopté par l’Agence de santé publique du Canada et les firmes pharmaceutiques pour préparer leur dossier de pertinence (8).
En 2017, à la demande du Ministère de la santé et des services sociaux du Québec, le Comité sur l’immunisation du Québec a rédigé un avis portant sur le calendrier optimal de vaccination des enfants contre les infections pneumococciques (9).

Trois calendriers ont été comparés : 2 + 1 doses de VPC-10, 2 + 1 doses de VPC-13 et un calendrier mixte comportant 2 doses de VPC-10 (à 2 et 4 mois) et une dose de rappel de VPC-13 (à 12 mois).
Il est apparu que le calendrier 2 + 1 VPC-13 était le plus efficace, mais serait aussi le plus onéreux dans le cadre d’un appel d’offre. Un calendrier mixte comporterait plusieurs avantages potentiels qui sont résumés dans le Tableau I. L’adoption d’un calendrier mixte permettrait de surmonter certaines limites d’un calendrier utilisant exclusivement le VPC-10, un meilleur contrôle des infections causées par le sérotype 19A étant le principal avantage potentiel de la dose de rappel donnée avec le PCV-13 plutôt qu’avec le PCV-10. Le calendrier mixte est celui qui semble procurer le meilleur ratio coût-utilité en termes de dollars par année de vie gagnée, ajustée pour la qualité, pour autant qu’une différence de prix suffisamment importante existe en faveur du VPC-10.

Tableau 1 : Éléments en faveur et défaveur de trois calendriers pour la vaccination des enfants contre les infections à pneumocoque (Source : Comité sur l’Immunisation du Québec, 2017).
Élément décisionnel2 + 1 VPC-132 + 1 VPC-10Calendrier mixte
Immunogénicité Possibilité d’interaction négative lors des doses de 2 et 4 mois advenant suite à la vaccination des femmes enceintes contre la coqueluche. Titre d’anticorps fonctionnels (OPA) plus faible pour les sérotypes 6A et 19A et absence de réponse contre le sérotype 3. Titre d’anticorps fonctionnels (OPA) plus faible pour les sérotypes 6A et 19A et absence de réponse contre le sérotype 3 avant la dose de rappel.
Protection directe contre les IIP Protection élevée contre 12 des 13 sérotypes inclus dans le vaccin mais protection faible contre le sérotype 3.
Une partie de ces avantages est érodée par le remplacement.
Protection élevée contre les sérotypes inclus dans le vaccin ainsi que protection contre le 6A et 19A mais absence de toute protection contre le sérotype 3.
Une partie de ces avantages est érodée par le remplacement.
Suite à la dose de rappel : protection élevée contre 12 des 13 sérotypes inclus dans le VPC-13 avec renforcement de la protection contre le sérotype 19A et possible protection modeste contre le sérotype 3 – seulement après la dose de rappel.
Une partie de ces avantages est érodée par le remplacement.
Protection contre les pneumonies Protection probablement modeste contre 12 des 13 sérotypes inclus dans le vaccin et incertitude quant à une protection contre le sérotype 3.
Une bonne partie de ces avantages est probablement érodée par le remplacement.
Protection probablement modeste contre les 10 sérotypes inclus dans le vaccin, possiblement contre les sérotypes 6A et 19A et absence de protection contre le sérotype 3.
Une bonne partie de ces avantages est probablement érodée par le remplacement.
Protection probablement modeste contre 12 des 13 sérotypes inclus dans le vaccin et incertitude quant à une protection contre le sérotype 3.
Une bonne partie de ces avantages est probablement érodée par le remplacement.
Protection contre les otites Protection probable contre les sérotypes inclus dans le vaccin.
Une grande partie de ces avantages est probablement érodée par le remplacement.
Protection probable contre les sérotypes inclus dans le vaccin, possiblement contre le 6A et 19A.
Une grande partie de ces avantages est probablement érodée par le remplacement.
Protection probable contre les sérotypes inclus dans le vaccin, possiblement contre le 6A et 19A.
Une grande partie de ces avantages est probablement érodée par le remplacement.
Immunité de groupe Immunité de groupe contre 12 des sérotypes inclus dans le vaccin mais non contre le sérotype 3. Immunité de groupe contre les 10 sérotypes inclus dans le vaccin mais non contre les sérotypes 3, 6A et 19A. Immunité de groupe probable contre 12 des sérotypes inclus dans VPC-13 mais non contre le sérotype 3, après la dose de rappel.
Sécurité Bonne Bonne mais moins de réactions locales Bonne mais moins de réactions locales pour les 2 premières doses
Coût Probablement le plus élevé Probablement le plus faible Probablement intermédiaire
Coût-efficacité Indice coût-efficacité le moins favorable. Indice coût-efficacité intermédiaire dans beaucoup de scénarios et le plus favorable dans l’hypothèse de non-infériorité du VPC-10 par rapport au VPC-13. Indice coût-efficacité le plus favorable dans beaucoup de scénarios.
Acceptabilité par les professionnels Forte Faible Intermédiaire
Faisabilité Élevée Élevée Moins bonne
Suivi de l’avis Élevée Élevée Faible

Le principal désavantage d’un tel calendrier est celui de son acceptabilité par les professionnels de la santé et surtout par les firmes pharmaceutiques qui ne sont pas toujours très favorables à un partage du marché. Un calendrier mixte exige aussi une certaine discipline de la part des vaccinateurs et cela n’est pas toujours évident dans un contexte de médecine libérale. Un calendrier mixte est une possibilité intéressante et l’avenir nous dira si une telle option est réaliste et rencontre l’objectif de maximiser la prévention à un coût raisonnable.

Philippe De Wals, Département de médecine sociale et préventive,
Université Laval et Institut national de santé publique du Québec,
Québec, Canada.

Références
 Cohen O, Knoll M, O’Brien K, Ramakrishnan M, Constenla D, Privor-Dumm L, et al. Pneumococcal conjugate vaccine (PCV) product assessment. Baltimore (MD) : Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health [On line] https://www.jhsph.edu/research/centers-and-institutes/ivac/resources/pcv-product-assessment-april-25-2017.pdf (Page accessed August 9, 2017).
 De Wals P, Gessner BD, Isturiz R, Laferriere C, Schmitt H-J, Sings HL, Suaya JA, Jodar L, Pelton S. Direct and indirect impact of 13-valent conjugate vaccine on invasive pneumococcal disease caused by serotype 3. Poster presentation. 10th World Congress of the World Society for Pediatric Infectious Diseases. Shenzhen, China. December 2-5, 2017.
 Rinta-Kokko H, Palmu AA, Auranen A et al. Impact of 10-valent pneumococcal conjugate vaccine (PCV-10) on invasive pneumococcal disease (IPD) caused by PCV-10 related serotypes among vaccine-eligible children. (Poster). 33rd Annual Meeting Leipzig, Germany, May 13-16, 2015.
 Naucler P, Galanis I, Morfeldt E, Darenberg J, Örtqvist Å, Henriques-Normark B. Comparison of the impact of PCV10 or PCV13 on invasive pneumococcal disease in equivalent populations. Clin Infect Dis. 2017 ; Nov 13 ;65(11):1780-1789. doi : 10.1093/cid/cix685.
 Whitney CG, Goldblatt D, O’Brien KL. Dosing schedules for pneumococcal conjugate vaccine : considerations for policy makers. Pediatr Infect Dis J. 2014 Jan ;33 Suppl 2:S172-81. doi : 10.1097/INF.0000000000000076.
Bonten MJM, Huijts SM, Bolkenbaas M, Webber C, Patterson S, Gault S, et al. Dosing schedules for pneumococcal conjugate vaccine : considerations for policy makes. N Engl J Med. 2015 Mar 19 ;372(12):1114–25.
 Gisselsson-Solen M. Trends in Otitis Media Incidence After Conjugate Pneumococcal Vaccination ; A National Observational Study. Pediatr Infect Dis J. 2017 Nov ;36(11):1027-1031
 Erickson LJ, De Wals P, Farand L. An analytical framework for immunization programs in Canada. Vaccine. 2005 Mar 31 ;23(19):2470–6.
 De Wals P, Amini R, Deceuninck G, Lefebvre B, Zhou Z. Avis sur le calendrier optimal de vaccination des enfants contre les infections à pneumocoque au Québec. Québec : Institut national de santé publique du Québec, 2017, 55 p. ISBN : 978-2-550-80168-9.


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