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Pneumocoqueprint

Infections chez les jeunes enfants en Belgique

publié le dimanche 1er mai 2005

L’Haemophilus influenzae de type b (Hib), le N. meningitidis et le Streptococcus pneumoniae sont à l’échelle planétaire les trois principales bactéries porteuses d’une capsule polysaccharidique et responsables d’infections bactériennes invasives et de méningites.La vaccination systématique avec le vaccin contre l’Hib a fait reculer considérablement le nombre d’infections graves à Haemophilus influenzae de type b, et plus récemment, le vaccin contre le méningocoque C a montré son efficacité dans plusieurs campagnes de vaccination. L’arrivée de vaccins conjugués contre le pneumocoque offre maintenant la possibilité de protéger les enfants dès l’âge de 2 mois.

L’incidence des maladies infectieuses varie géographiquement. Bien que nous disposions, depuis l’arrivée du vaccin conjugué heptavalent, de nombreuses et vastes études épidémiologiques menées partout dans le monde, il reste important d’avoir des chiffres également pour la Belgique.
Trois études belges récentes abordent des aspects différents.

Le portage chez des jeunes enfants en bonne santé

Le portage naso-pharyngé est un élément important de la transmission des infections à pneumocoques. Sont principalement décrits comme porteurs sains de pneumocoques résistants, les jeunes enfants vivant en communauté, séjournant dans des crèches ou recevant régulièrement des antibiotiques. En collaboration avec Kind en Gezin et l’Office de la Naissance et de l’Enfance (ONE), une étude a été menée auprès d’enfants âgés de 3 à 36 mois dans 30 lieux d’accueil de Flandre et de Wallonie(6). Au total, un prélèvement naso-pharyngé unique a été réalisé auprès de 467 enfants en bonne santé entre décembre 2000 et mars 2001. Le portage de pneumocoques a été établi chez 21% des 467 enfants, porteurs des sérotypes suivants en fréquence décroissante : 19F (27%), 6B (20%), 23F (19%), 19A (10%), 6A (7%), 14 (5%), autres (11%). La couverture théorique du vaccin antipneumococcique heptavalent Prevenar® (qui comporte les sérotypes 4, 6B, 9V, 14, 18C, 19F, 23F) atteignait 73,7 %. La résistance totale à la pénicilline était de 0% ; 14% des souches montraient une sensibilité intermédiaire à la pénicilline (le MIC restait <2mg/L) ; la résistance aux tétracyclines était de 48% et à l’érythromycine de 61%. Pour ces souches résistantes, la couverture théorique par le Prevenar® atteignait respectivement 93% (sensibilité intermédiaire à la pénicilline), 67% (résistance aux tétracyclines) et 75%(résistance à l’érythromycine).

La Belgique se situe dans la moyenne, si l’on se réfère à d’autres études sur le portage qui donnent des résultats de prévalence variant de 3,5% (étude italienne) à 50% (étude portugaise).

Cette étude établit un portage et une résistance bactérienne élevés, ainsi qu’un apport particulièrement important du vaccin heptavalent vis-à-vis des souches de sensibilité intermédiaire à la pénicilline.

Les infections invasives chez les jeunes enfants

Une seconde étude nationale, dont l’objectif était de rassembler des données prospectives complètes sur la survenue d’infections graves en Belgique, a été menée de mars 2002 à mars 2003, avec le soutien de l’Association Belge des pédiatres (Invasive Pneumococcal Disease – IPD study)(7). Durant cette période, 342 cas d’infections à pneumocoques invasives ont été rapportés. Sur cette base, l’incidence des infections invasives à S. pneumoniae (bactériémies occultes comprises) atteint en Belgique, chez les enfants de moins de 5 ans, 59/100.000 (allant jusqu’à 104/100.000 chez les enfants de moins de 2 ans) : l’incidence de méningite est de 8/100.000 (jusqu’à 16/100.000 en dessous de 2 ans).
Ces chiffres sont proches de ceux de pays comme le Royaume-Uni, le Danemark, la Suisse et la Finlande ; ils sont plus élevés que ceux de 1999, issus des données du laboratoire belge de référence et basés sur la déclaration spontanée (la sous-déclaration et le sous-diagnostic sont vraisemblablement en cause). En comparaison, pour le même groupe d’âge (< 5 ans), l’incidence des infections à méningocoques C en Belgique, en 1999, était de 5/100.000 et, avant l’introduction de la vaccination, fluctuait pour les infections invasives à Hib entre 17 et 22/100.000. Ces chiffres sont plus élevés aux Etats-Unis. Dans l’étude IPD, la bactériémie sans foyer est la plus fréquente (53%), suivie par la pneumonie (25%) et la méningite (13%). La mortalité et la morbidité liée aux séquelles neurologiques persistantes des méningites à pneumocoque sont importantes et plus élevées que celles engendrées par la méningite causée par H. influenzae de type b ou N. meningitidis. Le sérotype 14 est le plus fréquent (24%), suivi par : 6B (18%), 19A (10%), 23F (7%), 4 (7%), l1 (6%), 18C (6%), 19V (6%) et 6A (5%). Cette répartition donne une protection théorique par le Prevenar® de 67%, atteignant 75% pour les enfants de moins de 2 ans, 84% en tenant compte des protections croisées au sein d’un même sérogroupe et 98% pour les souches de sensibilité intermédiaire à la pénicilline. La protection varie également selon l’entité clinique : 70% pour la méningite et seulement 56% pour la pneumonie. Aucune souche résistante à la pénicilline n’a été rencontrée (15% de souches de sensibilité intermédiaire), aucune résistante à la cefotaxime ; cependant, 52% des bactéries étaient résistantes à l’érythromycine.
Les sérotypes relevés lors de l’étude IPD recouvrent pour deux tiers ceux rencontrés chez les porteurs sains (6, 7).

L’incidence des infections invasives à pneumocoques est plus élevée que précédemment rapporté, aussi bien en Belgique que dans d’autres pays européens. Avec le Prevenar®, les enfants de moins de 2 ans bénéficient d’une très bonne protection vis-à-vis des souches à sensibilité intermédiaire à la pénicilline. La protection est plus limitée vis-à-vis de la pneumonie. En outre, on constate une résistance élevée à l’érythromycine.

Pneumonie chez l’enfant

La démonstration de l’origine bactérienne d’une pneumonie aiguë chez un enfant reste difficile : il n’y a pas de correspondance avec les cultures bactériennes des mucosités du nasopharynx ou des expectorations et les hémocultures ont un rendement très faible. La radiographie n’est pas suffisamment spécifique pour affirmer qu’il s’agit d’un pneumocoque et la bronchoscopie ne peut être pratiquée à grande échelle. C’est ainsi que les données sur les sérotypes en cause dans les pneumonies des jeunes enfants sont pauvres.

Dans notre centre, des isolats de pneumocoques de 70 enfants (âge médian 28 mois) atteints d’une pneumonie acquise en communauté ont été rassemblés et typés de manière prospective à partir de lavages bronchoalvéolaires, d’hémoculture et de liquide pleural (8). Les plus rencontrés étaient les sérotypes 1 (21,4%), 6 (20,0%), 19 (12,8%), 23 (10,0%) et 14 (7,1%). Le type 1 concerne principalement les infections graves et les enfants plus âgés (> 5ans) et n’est pas trouvé à une telle fréquence dans les études IPD, mais bien dans une autre étude sur les pneumonies à pneumocoques chez les enfants (9). Il n’est pas repris dans le Prevenar®. La résistance est de 1,4% pour la pénicilline (14% de sensibilité intermédiaire et 84% de souches totalement sensibles), de 30% pour les tétracyclines et de 39% pour l’érythromycine.

Chez les enfants de moins de 5 ans, les pénicillines demeurent le premier choix de traitement de la pneumonie acquise en communauté. Les données reprises ci-avant étayent une protection théorique minimale par le vaccin antipneumococcique heptavalent, vis-à-vis de la pneumonie à pneumocoque, de 55,2% pour les enfants de moins de 2 ans. Cette protection s’accroît avec l’âge. L’adjonction du type 1 pourrait clairement améliorer la protection, principalement pour les enfants de plus de 2 ans.

A côté des infections invasives, S. pneumoniae est l’agent causal le plus fréquent des otites moyennes aiguë du jeune enfant. Dans une étude finlandaise, le S.pneumoniae était identifié dans 18 à 30% des cas après myringotomie. L’otite moyenne est très fréquente : des études épidémiologiques aux Etats-Unis montrent que 10% des enfants font au moins une otite avant l’âge de 3 mois, environ 60% avant 1 an, et plus de 80% avant 3 ans. On estime que les pneumocoques sont, en Belgique, responsables annuellement de 100.000 à 150.000 épisodes d’otites chez les enfants de moins de 5 ans. Cette situation entraîne une consommation importante d’antibiotiques. Les complications possibles sont des troubles auditifs et un retard d’acquisition du langage.

Efficience et sécurité

L’étude Kaiser est une étude randomisée à grande échelle (11) menée aux Etats-Unis auprès de 38.000 nourrissons : ils recevaient à 2, 4, 6 et 12-15 mois, en double aveugle, soit le vaccin antipneumococcique conjugué heptavalent, soit le vaccin conjugué contre le méningocoque C. Les résultats montraient une efficacité de 89% contre les infections invasives (et de 97% contre les infections causées par les sérotypes inclus dans le vaccin). L’efficacité aux Etats-Unis serait donc plus élevée que celle théoriquement calculée en Belgique sur base de l’étude IPD. En ce qui concerne l’otite moyenne, il y a dans le groupe vacciné une réduction de 7% du nombre total d’épisodes tous germes confondus et de 20% du placement de drains transtympaniques. Il y a une réduction de 10,7% des épisodes de pneumonie cliniquement établis et de 35% des épisodes établis sur base d’une radiographie. Ces résultats sont difficiles à interpréter parce que le germe causal de la pneumonie n’est pas connu dans cette étude (11, 12). Dans une étude finlandaise, le vaccin avait une efficacité de 57% vis-à-vis de l’otite moyenne causée par un des sérotypes présents dans le vaccin et de 34% vis-à-vis des otites moyennes occasionnées par un pneumocoque sans détermination du sérotype (13). De nombreuses études montrent aussi que le vaccin réduit le portage nasopharyngé de pneumocoques (14).
Enfin, les études suggèrent que les vaccins conjugués éveillent aussi une bonne mémoire immunitaire. Une étude montre que la réponse en anticorps, après administration de l’ancien vaccin non conjugué à 23 valences à des enfants de 24 mois, était 100 fois plus élevée dans le groupe des enfants qui avaient reçu antérieurement un premier vaccin conjugué, par comparaison au groupe d’enfants non précédemment vaccinés.
La tolérance est bonne dans toutes les études (déjà plus de 10 millions de doses administrées depuis la commercialisation du vaccin aux Etats-Unis). Aucun effet indésirable grave n’a été communiqué et des réactions locales ou une fièvre modérée sont rapportées par 4 à 24% des vaccinés (11,12).

Conclusions

Les études belges établissent l’importance du portage de pneumocoques chez les jeunes enfants en bonne santé et son rôle comme agent causal d’infections invasives. Les sérotypes rencontrés chez les porteurs sains ne concordent pas totalement avec ceux identifiés lors d’infections invasives et sont encore plus différents en cas de pneumonies acquises en communauté. Dans toutes les séries, la résistance aux antibiotiques est basse pour la pénicilline, mais élevée pour les macrolides (la plus élevée chez les porteurs sains). Les vaccins conjugués ont démontré leur utilité dans d’autres pays, principalement pour la prévention des infections invasives et dans une moindre mesure de la pneumonie et de l’otite chez le jeune enfant. Ils diminuent également le portage et pourraient constituer une solution au problème croissant posé par l’antibiorésistance.
La composition du vaccin heptavalent correspond, modérément à bien, aux sérotypes circulants identifiés dans les études belges citées ; il protège le mieux vis-à-vis des souches résistantes à la pénicilline et le moins bien contre les sérotypes impliqués dans la pneumonie à pneumocoques.
Le Prevenar® peut, selon la notice, être administré simultanément au vaccin hexavalent Infanrix hexa®.
Une série de questions n’ont pas encore trouvé de réponses.
Quels vaccins combinés pouvons-nous attendre ?
Dans quelle mesure le vaccin pourra-t-il influencer favorablement la consommation d’antibiotiques ?
Quelle est la durée de protection du vaccin ?
Est-il utile pour des enfants plus âgés ?
Quelles seront les conséquences d’une vaccination sélective suboptimale ?
Dans quelle mesure assisterons-nous à un « shift » ou déplacement vers des infections causées par des souches non inclues dans le vaccin ?
Ce dernier phénomène devra être suivi attentivement si la vaccination est généralisée en Europe et en Belgique.

Pr A. Malfroot
Département pédiatrie
– AZ VUB, Bruxelles

Pour la pratique

Le nouveau vaccin conjugué heptavalent commercialisé en Belgique comporte les sérotypes 4, 6B, 9V, 14, 18C, 19F et 23F (Prevenar®) (4).

Schéma de vaccination

Il varie en fonction de l’âge de l’enfant et de la présence de conditions médicales particulières.
Avant l’âge de 6 mois : 4 doses aux âges de 2, 3 et 4 mois et entre 12 et 15mois ;
entre 7 et 11 mois : 3 doses dont une dose entre 12 et 15 mois ;
entre 12 et 23 mois : 2 doses de vaccin à 8 semaines d’intervalle.
La vaccination ne peut débuter avant l’âge de 6 semaines. Lorsque la vaccination avec un vaccin polysaccharidique non conjugué est recommandée (après l’âge de 2 ans) suite à une vaccination avec le vaccin conjugué, un intervalle de minimum 8 semaines sera respecté entre les deux vaccins (2).

Références :
1. Verhaegen J. Surveillance van de pneumokokkeninfecties in België. Verslag 2000.
2. Vaccinatie tegen pneumokokken bij het kind. www.health.fgov.be/CSH_HGR.
3. Van Lierde S, Raes M, Hendrickx G, Malfroot A, Gielen M, Vandenbussche E. Geconjugeerd pneumokokkenvaccin. Aanbevelingen van de werkgroep “Vaccinaties en Infecties” van de Vlaamse Vereniging voor Kindergeneeskunde (VVK-VactInfect). Tijdschrift van de Belgische Kinderarts,2003 ; 5 : 67-68.
4. Choo S, Finn A. New pneumococcal vaccines for children. Arch Dis Child 2001 ; 84 : 298-294.
5. Ronchetti MP, Guglielmi F, Latini L et al. Resistance patterns of Streptococcus pneumoniae from children in central Italy. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 1999 ; 18 : 376-379.
6. Malfroot A, Verhaegen J, Dubru J-M, Van Kerschaver E, Leyman S. A cross-sectional survey of the prevalence of Streptococcus pneumoniae naso-pharyngeal carriage in Belgian infants attending day care centres. Clin Microbiol Infect 2004 ; 10 : 797-803.
7. Vergison A, Malfroot A, Tuerlinckx D, Verhaegen J, Slachmuylders P, Leyman S. Epidemiology of invasive pneumococcal disease in Belgian children : a national preconjugate vaccine overview. 22nd Annual Meeting of the European Society for Paediatric Infectious Diseases (ESPID) in Tampere (Finland) 2004. Abstractbook.
8. De Schutter I, Malfroot A, Pierard D, Lauwers S. Pneumococcal serogroups and serotypes in severe pneumococcal pneumonia in Belgian children. Clinical Microbiology and Infection 2005 (inpress).
9. Tan TQ, Mason EO, Wald ER, Barson WJ, Schutze GE, Bradley JS, Givner LB, Yogev R, Kim SK, Kaplan SL. Clinical characteristics of children with complicated pneumonia caused by Streptococcus pneumoniae. Pediatrics 2002 ; 110 : 1-6.
10. Douglas RM, Miles HB. Vaccination against Streptococcus pneumoniae in childhood : Lack of demonstrable benefit in young Australian children. J Infect Dis 1984 ; 149:861-869.
11. Black S, Shinefield H, Fireman B et al. Efficacy, safety and immunogenicity of heptavalent pneumococcal conjugate vaccine in infants. Pediatr Infect Dis J 2000 ; 19 : 187-195.
12. Black S, Shinefield H, Baxter R et al. Postlicensure surveillance for pneumococcal invasive disease after use of heptavalent pneumococcal conjugated vaccine in the Northern California Kaiser permanente. PIDJ 2004 ; 23 : 485-489.
13. Eskola J, Kilpi T, Palmu A et al. Efficacy of a pneumococccal conjugate vaccine against acute otitis media. New Engl Med 2001 ; 344 : 403-409.
14. Dagan R, Muallem M, Melamed R et al. Reduction of pneumococcal naso-pharyngeal carriage in early infancy after immunization with tetravalent pneumococcal vaccines conjugated to either tetanus toxoid or diphtheria toxoid. Pediatr Infect Dis J 1997 ; 16 : 1060-1064.
15. American Academy of Pediatrics, Committee of Infectious Diseases. Policy statement : Recommendations for the prevention of pneumococcal infections, including the use of pneumococcal conjugate vaccine (Prevenar), pneumococcal polysaccharide vaccine, and antibiotic prophylaxis. Pediatrics 2000 ; 106 : 362-366.


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