Diphtérie
Etude de séroprévalence
La vaccination contre la diphtérie est recommandée pour certains voyageurs. Il est également recommandé depuis 1996 d’administrer à tous les adultes, tous les 10 ans, un rappel antidiphtérique couplé au rappel antitétanique.
L’homme est le seul réservoir du Corynebacterium diphteriae. Le mode de transmission principal est la dissémination aérienne via les gouttelettes de salive et le contact direct avec des sécrétions respiratoires ou des exsudats de lésions cutanées contaminées [1].
La diphtérie dans le monde
La diphtérie est une maladie infectieuse présente partout dans le monde, et qui reste endémique dans certains pays en voie de développement, principalement en Afrique, Asie et Amérique de Sud, avec ça et là de petites épidémies. Dans le monde occidental, l’incidence de la diphtérie a systématiquement chuté depuis l’introduction de la vaccination généralisée des nouveau-nés. Cependant, quelques épidémies limitées ont été décrites dans des populations bien vaccinées. Ainsi, une épidémie est survenue en Suède entre 1984 et 1986 ; elle a cependant touché principalement des personnes marginalisées, des alcooliques et des toxicomanes [2] [3].
En 1990, l’intérêt pour la diphtérie est revenu au premier plan suite aux informations sur l’accroissement épidémique du nombre de cas de diphtérie dans les Etats de l’ex-URSS [4] [5].
L’épidémie a commencé en 1990 à Moscou et s’est propagée en 1991 en Ukraine pour ensuite gagner, entre 1993 et 1994, les 13 autres Etats de la Communauté des Etats Indépendants. Le nombre de cas de diphtérie dans la CEI est passé de 603 en 1989 à 47.628 en 1994. De 1994 à 1995, les cas déclarés ont encore augmenté de 5,2 %, passant de 47.628 à 50.412. Depuis le début de l’épidémie, ce sont environ 12.5000 cas et 4.000 décès liés à la diphtérie qui ont été déclarés. Cette épidémie est caractérisée par le fait que 70 % des personnes atteintes sont âgées de 15 ans et plus.
Fin 1994, l’OMS et l’UNICEF ont élaboré une stratégie ayant pour objectif le contrôle de l’épidémie de diphtérie dans la CEI. Les éléments clés de cette stratégie sont l’identification, l’isolement et le traitement de chaque cas, la prévention des cas secondaires et l’accroissement de l’immunité dans la population générale.
En 1995, le nombre de cas dans la Fédération de Russie baissait de 11%, mais doublait partout ailleurs dans la CEI. Récemment, les mesures de contrôle ont commencé aussi à porter leurs fruits dans ces pays : de janvier à mars 1996, 6.179 cas ont été déclarés, soit une diminution de 59 % par rapport à la même période de 1995.
Les causes de cette épidémie ne sont pas claires. Parmi les facteurs possibles, citons la diminution de la couverture vaccinale parmi les enfants, l’instabilité socio-économique et la désorganisation de l’infrastructure de santé après la chute de l’URSS. En outre, aucune mesure de contrôle adéquate n’a été prise lors de la phase débutante de l’épidémie et les vaccinations de routine ont été interrompues momentanément dans certains Etats de la CEI, en raison d’un manque de vaccins.
La diphtérie en Belgique
Le graphique 2 montre le nombre de cas déclarés en Belgique pour la période de 1940 à 1966 inclus [6].
Jusqu’à l’introduction de la vaccination généralisée des nouveau-nés en 1959, la diphtérie était endémique en Belgique, avec ça et là une épidémie comme celle de 1943 (pendant la deuxième guerre mondiale).
Depuis 1959, le vaccin est mis gratuitement à disposition par le Ministère de la Santé Publique [7] [8]. Dès ce moment, on a donc pratiqué la vaccination généralisée des enfants de 6 mois à 10 - 15 ans. La vaccination des adultes était alors déconseillée en raison des effets secondaires sérieux encourus. On peut donc supposer que la majorité des personnes qui avaient plus de 15 ans en 1959, c.à.d. celles ayant actuellement plus de 50 ans, n’ont pas été vaccinées contre la diphtérie.
Après l’introduction de la vaccination généralisée, l’incidence de la diphtérie a baissé rapidement. Depuis le début des années 80, seul 1 cas de diphtérie a été déclaré.
Récemment, on a précisé l’état d’immunité contre la diphtérie dans 1.679 échantillons sériques repris dans une banque de sang existante de la population flamande (1993-1994).
Le groupe étudié comportait 892 hommes (53 %) et 781 femmes (47 %). L’âge moyen du groupe étudié était de 43 ans [9].
Les résultats montrent que 38% des personnes de l’échantillon sont encore protégées contre la diphtérie (taux > 0,1U.I./ml, selon les normes de l’OMS).
Chez 36 % du groupe étudié, le taux d’anticorps contre la toxine diphtérique était insuffisant (taux <0,01U.I./ml) et chez 26 % la protection était incertaine (taux compris entre 0,01 et 0,1 U.I. /ml).
Après standardisation selon la structure des âges de la population flamande, ces résultats sont respectivement de 43 %, 32 % et 25 %. L’analyse en fonction de l’âge montre que le nombre de personnes protégées dans le groupe étudié décroît avec l’âge jusqu’au groupe des 55 ans. A partir de cet âge, la prévalence des anticorps protecteurs est à nouveau plus haute, comparativement avec les 2 groupes d’âge qui le précède (voir graphique 3).
Trois facteurs concourent à expliquer ces résultats. D’une part, on sait qu’il y a une disparition lente des anticorps après vaccination. D’autre part, la protection induite après survenue d’une ou de plusieurs infections naturelles persiste longtemps et l’immunité est renforcée par les rappels naturels lors de chaque contact avec l’agent infectieux.
Ces deux derniers éléments expliquent la prévalence plus élevée des anticorps protecteurs chez les plus de 55 ans.
La basse prévalence des anticorps protecteurs dans les groupes de 35-44 ans et 45-54 ans s’explique, elle, par la disparition lente des anticorps après vaccination, et la diminution des rappels par l’infection naturelle depuis l’introduction de la vaccination généralisée.
Recommandations de vaccination
Depuis le début des années 90, l’OMS recommande l’administration de rappel antidiphtérique aux voyageurs vers la Fédération de Russie et l’Ukraine [4]. Cette vaccination est aussi indiquée pour le personnel médical et paramédical, ainsi que pour les adultes qui sont souvent en contact avec des enfants dans les régions endémiques et dans les pays dont le niveau d’hygiène est moins bon que le nôtre.
Depuis 1995, il existe en Belgique un vaccin antidiphtérique de dosage adapté aux adultes (4 U.I. au lieu de 30 U.I.) ; il est combiné avec un vaccin antitétanique (Tedivax Pro Adulto). Actuellement, il est recommandé d’administrer le rappel antitétanique (tous les 10 ans) à l’aide du vaccin combiné diphtérie-tétanos (dT) adapté à l’adulte (à condition que la primovaccination ait été donnée).
Une étude complémentaire est actuellement menée afin de déterminer si l’administration d’un rappel de vaccin antidiphtérique chez des personnes n’ayant pas un taux d’anticorps antidiphtérique protecteur est suffisante pour provoquer une séroconversion protectrice pour une période de 10 ans.
(Centrum voor de Evaluatie van Vaccinaties, Collaborating Centre for Prevention and Control of Viral Hepatitis, Epidemiologie en Sociale Geneeskunde, Universitaire Instelling Antwerpen)
Herman Goossens,
(Laboratorium voor Microbiologie, Universitair Ziekenhuis Antwerpen)
Robert Vranckx,
(Institut Scientifique de Santé Publique - Louis Pasteur (ex- IHE), Bruxelles).
[1] Mortimer E.A. Diphtheria toxoid. In : Plotkin & Mortimer (eds.). Vaccines. Philadelphia : W.B. Saunders Company, 1994 : 41-56.
[2] Karzon D., Edwards K. Diphteria outbreaks in immunized populations. N Engl J Med 1988 ; 318 : 41-43.
[3] Rappuoli R., Perugini M., Falsen E. Molecular epidemiology of the 1984-1986 outbreak of diphteria in Sweden. N Engl J Med 1988 ; 318 : 12-14.
[4] Hardy I., Dittmann S., Sutter R.. Current situation and control strategies for resurgence of diphteria in newly independent states of the former Soviet Union. Lancet 1996 ; 347 : 1739-44.
[5] Centers for Disease Control. Update : Diphteria Epidemic - New Independent States of the Former Soviet Union, January 1995 - March 1996. 1996 ; 45 : 693-7.
[6] Koen De Schrijver, Ministerie van de Vlaamse Gemeenschap, Departement Welzijn, Volksgezondheid en Cultuur, Administratie voor Gezondheidszorg.
[7] Heyne D. La diphtérie en Belgique - Année 1975 - Archives Belges de Médecine Sociale, Hygiène, Médecine du Travail et Médecine Légale 1976 ; 7 : 401-25.
[8] Ministerie van Volksgezondheid en van het Gezin. Difteritis en Poliomyelitis in België. Bulletin van Volksgezondheid 1963 : 582- 601.
[9] Matheï C., Van Damme P., Bruynseels P. et al. Seroprevalentieonderzoek van difterieantitoxines in Vlaanderen. Seminarie voor Diagnostiek en Surveillance van Infectieuze Aandoeningen. 29 november 1996, Brussel, België.
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